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SOMMAIRE
Editorial

La spironolactone dans l’insuffisance cardiaque
Littérature
AINS et varicelle : une prescription à éviter
AVK et alimentation
A suivre…
Pergolide et valvulopathies cardiaques
Topiramate et oligohydrose
Vos observations
Promethazine et hallucinations visuelles
Vos questions
Quel est le risque d’une utilisation prolongée de l’hydrate de chloral chez l’enfant ?

Ont participé à la réalisation de ce numéro :
A. Bollier
J. Caron
F. Cuingnet
J. Dekemp
M. Devémy
S. Gautier
O. Kroselj
I. Masse
J. Pamart

Brèves en
Pharmacovigilance
Numéro 13, septembre-décembre 2003
Editorial :
La spironolactone dans l’insuffisance cardiaque : nécessitéd’un respect de l’indication et d’un suivi rigoureux
En 1999, l’étude RALES1démontrait l’intérêt, en terme dediminution de morbidité et de mortalité des patients insuffisantscardiaques au stade 3 ou 4 de la NYHA, d’un traitement par une faibledose de spironolactone associée à un IEC et à un diurétique de l’anse.Cette étude a conduit à une utilisation croissante de la spironolactonedans l’insuffisance cardiaque. Plusieurs études1,2 se sont depuisintéressées aurespect des indications de la spironolactone dans cetteindication et à ses complications. Une première étude1 a porté sur 104patients avec insuffisance cardiaque traités par spironolactone après lamédiatisation des résultats de l’étude RALES. L’étude a montré que laspironolactone était utilisée dans des indications plus larges que cellesdéfinies dans l’étude RALES, avec un suivi moins rigoureux et lasurvenue plus fréquente de complications sous ce traitement. Ainsi, avantle démarrage du traitement, seuls 58 % des patients avaient une fractiond’éjection ventriculaire gauche documentée à moins de 35%, 9% étaienten classe NYHA I et II, 25,6% en classe III et IV et 65,4% nebénéficiaient d’aucune classification. La dose journalière moyenne despironolactone était de 40,7 mg chez ces patients versus 26 mg dansl’étude RALES (posologie préconisée dans l’AMM de 25 mg/j). Seuls34% de ces patients ont eu un suivi clinique approprié et 38% un suivibiologique approprié. 25 patients ont développé une hyperkaliémie, dont12 avec kaliémie supérieure à 6 mEq/L et 26 patients une insuffisancerénale. Tous effets indésirables confondus, ceux ci conduisent à 21%d’arrêt de la spironolactone chez ces patients versus 8% dans l’étudeRALES. Des résultats assez semblables sont retrouvés dans une autreétude2, avec mise en évidence de deux circonstances favorisantl’hyperkaliémie : le diabète sucré et un hématocrite inférieur à 36%.
Ces études démontrent, si cela était nécessaire, que l’utilisationd’un médicament en pratique courante s’écarte des conditions idéalesdéfinies dans les essais cliniques et doivent inciter à respecterscrupuleusement les conditions de prescription et de surveillance de laspironolactone dans l’insuffisance cardiaque.
1NEJM 1999;341:709-17; 2JACC 2003; 41 : 211-4
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Brèves de la Littérature
AINS et varicelle : une prescription à éviter
La varicelle peut exceptionnellement être à l’origine de graves complications infectieuses cutanées ou des tissus mous dont la forme la plus redoutable, fréquemment compliquée de choc infectieux, est représentée par la fasciite nécrosante. Une étude du Groupe Francophone de Réanimation et d’Urgence Pédiatrique, réalisée de 1998 à 2001, a récemment souligné le rôle potentiel de la prise d’AINS au cours de la varicelle dans la survenue d’infections invasives graves à streptocoques bêta-hémolytiques du groupe A, notamment d’infections cutanées à type de fasciites nécrosantes. La première publication évoquant un rôle possible des AINS en tant que facteur de risque de fasciites nécrosantes remonte à 1966. Elle a été suivie sporadiquement de cas publiés et le débat a été relancé en Amérique du Nord en 1994, lorsqu’un politicien canadien a estimé, après avoir subi une amputation de jambe liée à une fasciite nécrosante, avoir été directement concerné par ce problème. Deux AINS utilisés en pédiatrie (acide tiaprofénique, acide niflumique) comportent dans leur RCP une mise en garde “générale” sur les risques de “réduction des défenses naturelles et de masquage des signes d’infection en cas de prescription dans les affections de nature infectieuse”. En revanche aucune information n’apparaît pour les spécialités à base d’ibuprofène, de kétoprofène et d’acide méfénamique.
Qu’en est il de ce risque pour les AINS utilisés à but antipyrétique (et antalgique) dans la varicelle, notamment pour le principal d’entre eux : l’ibuprofène ? A ce jour, 3 études épidémiologiques observationnelles de type cas-témoins, non exemptes de critiques en raison de leur méthodologie, ont abordé ce problème. La première d’entre elles (1), réalisée à partir d’une cohorte rétrospective d’environ 8000 varicelles, ne montre pas d’association significative entre la prise d’ibuprofène et la survenue d’une varicelle compliquée d’une infection de la peau ou des tissus mous. La deuxième est une étude cas-témoin rétrospectif et prospectif (2) comparant 19 enfants hospitalisés pour une fasciite nécrosante dans les trois semaines suivant l’apparition d’une varicelle, à 29 enfants hospitalisés dans les mêmes conditions mais pour une infection cutanée ne correspondant pas à une fasciite nécrosante. Une association significative est ici retrouvée entre l’exposition à l’ibuprofène et le risque de fasciite nécrosante, sans qu’une subdivision entre ibuprofène seul et ibuprofène associé à d’autres antipyrétiques ne soit présente. Enfin, la troisième étude (3) est une étude cas-témoin prospective comparant des enfants hospitalisés pour une infection invasive à streptocoque ou une infection cutanée ou des tissus mous, apparues dans les deux semaines suivant le début d’une varicelle, à des enfants témoins ayant présenté une varicelle non compliquée. Une association significative est ici présente entre la survenue d’une infection et la prise d’ibuprofène et de paracétamol, alors qu’il n’existe pas d’association significative quand les deux produits sont utilisés séparément
Que faut-il penser de ces résultats ? En l’état, il n’apparaît pas possible d’affirmer une relation entre la prise d’AINS au cours d’une varicelle et la survenue d’une complication infectieuse sévère de la peau et des tissus mous. Tout au plus ces données suggérent qu’un rôle favorisant des AINS dans l’aggravation de ces infections, peut-être en retardant le diagnostic, ne peut être écarté. Dans ces conditions, la sagesse conseille d’éviter l’utilisation des AINS (notamment l’ibuprofène) en cas de varicelle.
(1) Ann Epidemiol 1997;7:440-445
(2) Pediatrics. 1999;103:783-90.
(3) Pediatrics. 2001;107:1108-15
A suivre…
•Le pergolide (CELANCE), dérivé de l’ergot deseigle, est un agoniste dopaminergiquecommercialisé en France depuis 1995 dans letraitement de la maladie de Parkinson. Dix huit casde valvulopathies cardiaques ont été rapportés dansle monde avec le pergolide, dont 1 seul cas à ce jouren France. Dans près de 50% des cas il s’agitd’atteintes valvulaires multiples, à type de fuites,touchant les valvules mitrale, aortique et tricuspide.
La survenue de ces très rares cas de valvulopathiescardiaques en présence de pergolide s’intègre dansle cadre plus large des réactions de fibroses avecles dérivés de l’ergot. En conséquence, de nouvellesrecommandations concernant ces effets indésirablescardiaques ont été ajoutées dansle RCP depergolide.
Mayo Clin Proc 2002;77:1280-6
•La survenue d’oligohydrose (diminution de latranspiration) et de fièvre sous topiramate(EPITOMAX) vient de faire l’objet d’uneinformation par la FDA et l’Agence du MédicamentCanadienne. Il est désormais recommandé desurveiller attentivement l’hydratation des patientstraités par topiramate, particulièrement celle desenfants, notamment après une activité sportive ou àune exposition à la chaleur.
J Child Neurol. 2003;18:254-7

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Traitements par AVK et alimentation :
Selon certaines études, 25 à 50% des patients traités par antivitamines K (AVK) ont un INR mal équilibré.Après avoir éliminé les principales causes d’instabilité d’un INR sous AVK, on est souvent amené à évoquerle rôle de l’alimentation dans ces difficultés d’équilibre du traitement anticoagulant. Bien que la réalité de cerôle reste discutée, des listes plus ou moins bien validées de médicaments riches, ou au contraire pauvres, envitamine K circulent, amenant parfois des patients obsessionnels à se priver inutilement de certains alimentsde saison.
L’activité de la vitamine K est principalement rattachée à deux substances naturelles distinctes, la vitamineK1 ou phytoménadione, une phylloquinone synthétisée comme son nom l’indique dans les plantes, et lavitamine K2 qui représente une série de composés, les ménaquinones, dont la synthèse est importante auniveau des bactéries du tractus intestinal. Les méthodes de dosage de ces composés ont été très longtempsindirectes et sont désormais supplantées par des mesures directes en chromatographie. Cette évolution destechniques a parfois permis de mettre en évidence une surestimation de la teneur en vitamine K de certainsaliments, jusqu’alors réputés riches en cette vitamine. Les aliments riches en vitamine K1 qui suivent sontcités par ordre décroissant avec pour chaque catégorie les principaux aliments à retenir : les légumes verts àfeuilles sombres (bettes, épinards, chou frisé), les légumes verts à feuilles pâles (laitue, cresson, fenouil) etles légumes crucifères (broccoli, choux de Bruxelles), les huiles végétales (soja, colza, pépins de raisin). Lesaliments riches en vitamine K2 sont le foie des ruminants, les fromages.
Plutôt que de supprimer ces différents aliments, la sagesse incite, quand on prend une traitement par AVK, àmanger varié, sans modifier de façon notable son alimentation habituelle, mais en limitant la quantité desaliments riches en vitamine K. Certains aliments ont par ailleurs été injustement accusés de contenir desquantités importantes de vitamine K et sont encore présents au niveau de certaines listes d’aliments”déconseillés” en cas de traitement par AVK : c’est notamment lecas des tomates, des abats, des carottes, duthon, des oeufs, des céréales. Enfin la prudence incite, chez un patient qui serait amené à modifier son régimealimentaire, ou en cas de troubles digestifs prolongés, à vérifier l’INR afin d’ajuster la posologie de l’AVK sinécessaire.
NutrRev1999;57:288-96;Angéiologie2001;53:39-48
Vos observations
Prométhazine et hallucinations visuelles :
Une enfant de 6 ans, recevant depuis deux jours pour une angine un traitement par josamycine (JOSACINE),paracétamol (EFFERALGAN) et ibuprofène (ADVIL) en alternance, paracétamol et prométhazine(ALGOTROPYL), noscapine et prométhazine (TUSSISEDAL), se réveille brutalement, très agitée en pleinenuit et explique à ses parents qu’elle a vu des serpents et des crocodiles sortir du mur. La fièvre est à 40°C.Les hallucinations visuelles persistent toute la journée dulendemain, alors que l’enfant est apyrétique. L’arrêtdu traitement par ALGOTROPYL et TUSSISEDAL permettra la disparition des hallucinations, alors quel’enfant restera anxieuse pendant les 48 heures suivantes. Les examens complémentaires (EEG, scanner,recherche de toxiques, d’alcool, bilan métabolique) reviendront tous négatifs.
Nos commentaires :
Parmi les médicaments reçus par cette enfant, seule la prométhazine, anti-histaminique H1dérivé desneuroleptiques phénothiaziniques et à activité anticholinergique, est connue comme pouvant provoquer unétat confusionnel associé à des hallucinations visuelles, une agitation, une insomnie, une nervosité. Cessymptômes apparaissent plus fréquemment lors d’un surdosage et avec toutes les voies d’administration(orale, rectale, intramusculaire et même topique). Ils seraient expliqués en partie par les effetsanticholinergiques exercés au niveau central par la molécule et peuvent s’installer en quelques heures aprèsles premières prises. Les enfants y sont particulièrement sensibles. Dans la littérature comme dans la basede données des CRPV, on retrouve des notifications très proches de celle-ci liées à l’utilisation demédicaments contenant de la prométhazine. Dans le cas de cette observation, la conjonction des prises deTUSSISEDAL et d’ALGOTROPYL a pu favoriser des taux plasmatiques élevés de prométhazine à l’originedes hallucinations visuelles. Ce risque est bien entendu à étendre à toutes les spécialités contenant de laprométhazine : PHENERGAN, ALGOTROPYL,TUSSISEDAL, FLUISEDAL et RHINATHIOLPROMETHAZINE
Vos questions :
Quel est le risque d’une utilisation prolongée de l’hydrate de chloral chez l’enfant ?
Cette interrogation, soulevée par un pharmacien, fait suite à une prescription d’hydrate de chloral, administré par voie rectale, 5 jours par semaine pendant 30 jours, à un enfant de 3 ans dans le cadre d’une sédation lors d’une radiothérapie.
L’hydrate de chloral a été utilisé en thérapeutique depuis très longtemps comme sédatif, hypnotique et même analgésique (?). En 2000, l’AFSSaPS a réévalué le bénéfice/risque de ce produit en raison de nouvelles données chez l’animal confirmant un effet mutagène et cancérogène. L’hydrate de chloral a un effet mutagène sur les cellules germinales, tant in vitro qu’in vivo. Un effet aneugène (anomalie du nombre de chromosome) et un effet clastogène (clivage des chromosomes) ont été observés à des doses voisines de celles utilisées chez l’homme. Enfin, si les études de cancérogenèse chez les rongeurs ont montré qu’il n’y avait aucune augmentation de l’incidence des tumeurs chez le rat, en revanche chez la souris une élévation significative du nombre d’adénomes et de carcinomes hépatiques chez les mâles et d’adénomes hypophysaires chez les femelles a été observée. A ce jour, aucune pathologie tumorale secondaire à l’administration d’hydrate de chloral n’a cependant été rapportée chez l’homme.
En conséquence, tous les laboratoires ont retiré l’hydrate de chloral présent dans leurs spécialités (SYNTHOL, DOLODENT par exemple), et les conditions de l’utilisation de l’hydrate de chloral ont été revues en 2000.
En pratique, l’hydrate de chloral :
– n’a plus d’Autorisation de Mise sur le Marché et il est nécessaire d’en informer le patient.
– est désormais fourni par la P.C.H. (Pharmacie Centrale des Hôpitaux de Paris).
– est contre-indiqué en administration chronique.
– est désormais réservée à l’enfant entre 2 mois et 5 ans, en administration unique, par voie orale ou rectale, dans les seules situations suivantes, lorsqu’il n’existe pas d’alternative appropriée :
. sédation avant les explorations fonctionnelles respiratoires
. sédation avant l’imagerie médicale (IRM ou scanner) lorsque l’anesthésie générale n’est pas réalisable.
-la posologie à respecter est de 50 à 75 mg/kg en une seule dose, sans jamais dépasser une dose totale de 2g.
– les préparations magistrales sont réservées uniquement à l’hôpital, tant pour la prescription que pour l’utilisation.
Références : Lettre aux prescripteurs : conditions d’utilisation de l’hydrate de chloral, Septembre 2001, AFSSaPS.
Si vous observez un effet indésirable grave et/ou inattendu ou
si vous désirez un renseignement sur un médicament :
N’hésitez pas à nous contacter :