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Brèves en Pharmacovigilance
Numéro 14, janvier-février 2004
SOMMAIRE
Editorial

Bêta-bloquants et dysfonctionnements erectiles
Littérature
Automédication et risque de surdosage : rôle du pharmacien
Tibolone et AVK : une association à surveiller
A suivre…
Hyperprolactinémie et neuroleptiques : souvent négligée
Sevrage aux IRSS
Vos questions
Desensibilisation à l’allopurinol
Sevrage tabagique à l’aide de substituts nicotiniques et myalgies
Vos observations
Usage détourné de Codoliprane / Nautamine

Ont participé à la réalisation de ce numéro :
A. Bollier
J. Caron
F. Cuingnet
J. Dekemp
M. Devémy
S. Gautier
I. Masse
J. Pamart

Editorial :
Bêta-bloquants et dysfonctionnements érectiles
La prise de médicaments à visée cardiovasculaire peut être associée à la survenued’effets indésirables à type de dysfonctionnement érectile (DE), ceci étant enparticulier vrai pour les bêta-bloquants. L’idée est ainsi répandue chez lesmédecins et les patients que les bêta-bloquants entraînent assez fréquemment unDE, ce d’autantque des études chez l’animal, et chez l’homme hypertendu, ontsemblé confirmer de façon principalement rétrospective cette donnée. Cependant,la relation entre la prise de bêta-bloquants et la survenue d’un DE n’a jamais étédémontrée de façon formelle par des études cliniques prospectives et randomisées.Le problème est d’autant plus délicat que les maladies cardiovasculaires peuventpar elles-mêmes donner lieu à un DE, que la composante psychogène dans le DEest importante (notamment dans un contexte de maladie cardiovasculaire et denécessité d’un traitement pris « à vie »), et que ces DE ont bien évidemment unimpact sur la qualité de vie des patients et sur leur compliance au traitement.
Une récente étude a évalué les effets de l’aténolol sur le DE, en essayant dedistinguer ce qui revient à un effet indésirable propre au bêta-bloquant, et ce quirevient à la connaissance de la prise de ce bêta-bloquant et de l’effet indésirable parl’utilisateur. Quatre vingt seize patients ont été inclus dans une étude prospectivedivisée en 2 phases. Dans la 1èrephase (90 jours), tous les patients étaient sousaténolol 50 mg/j pour HTA (40%) ou angor (60%) : 32 (groupe 1) n’avaient pasconnaissance du médicament qu’ils prenaient, 32 (groupe 2) savaient qu’ils étaientsous bêta-bloquant, sans toutefois connaître les effets indésirables de ce produit surla fonction érectile, et enfin 32 (groupe 3) étaient au courant des effets de l’aténololsur la fonction érectile. Dans la 2ième phase, les patients ayant présenté un DEpendant la 1èrephase ont été tirés au sort pour recevoir, en double insu, soit 50 mgde sildénafil soit un placebo.
Les résultats ont été les suivants : pendant la 1èrephase, 3.1% des patients ont euun DE dans le groupe 1, 15.6% dans le groupe 2, et 31.2% dans le groupe 3 ;pendant la 2ièmephase, l’efficacité du placebo a été comparable à celle dusildénafil, avec réversibilité du DE chez tous les patients sauf un qui, lors d’unephase ouverte, verra son DE disparaître après augmentation du sildénafil à 100 mg.
Cette étude met ainsi une fois de plus en évidence l’importance des facteurspsychologiques dans la genèse des DE des patients traités par bêta-bloquants, cesfacteurs étant entre autres à rattacher à la composante anxieuse générée par laconnaissance de potentiels effets indésirables médicamenteux touchant la fonctionérectile.
Eur Heart J. 2003 Nov;24(21):1928-32.
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Brev Pharmacovig 2003 septembre-décembre; 13 1
Brev Pharmacovig 2003 septembre-décembre; 13 2
Brèves de la Littérature :
Automédication et risque de surdosage : le rôle du pharmacien
Une récente étude irlandaise a évalué la fréquence des cas de surdosage survenant avec des médicaments délivrés sans ordonnance, dits produits “conseils”. Sur une période de 8 semaines, le service des urgences de Belfast a traité 392 cas de surdosage médicamenteux : 71 cas n’ont concerné que des produits conseil (soit 18.1%) et 98 cas sont survenus après la prise concomitante de produits conseils et de médicaments prescrits sur ordonnance (soit 25%), soit un total de 43.1% de cas impliquant des médicaments conseils. Le paracétamol est en particulier concerné (36.7%), mais aussi l’aspirine (8.9%) et l’ibuprofène (3.2%). Plus de 80% des surdosages induits par les produits conseils seuls sont intentionnels, mais 18.3% sont accidentels, soulignant ainsi l’importance de l’information délivrée par le pharmacien au patient sur la posologie de ces médicaments délivrés sans ordonnance.
Intern J Pharm Pract 2003; 11 :R45
Tibolone et antivitamines K : nécessité d’une surveillance de l’INR
Au moment où le rapport bénéfice/risque du traitement hormonal substitutif (THS) de la ménopause par oestrogène et progestatif est remis en question, et où la tibolone (LIVIAL®) est plus fréquemment prescrite, il n’est pas inutile de rappeler les interactions de ce produit avec les antivitaminines K (AVK). La tibolone est un stéroïde de synthèse à activité oestrogénique, progestative et faiblement androgénique. Ses indications, en France, sont la prise en charge des symptômes de la ménopause (troubles vasomoteurs, troubles trophiques génito-urinaires et troubles psychiques).
A la suite de la constatation de 2 cas de déséquilibre de l’INR lors de l’introduction de la tibolone chez des femmes traitées par AVK, des auteurs anglais ont identifié rétrospectivement, au niveau d’une clinique d’anticoagulation, 6 cas de femmes ayant débuté un traitement par tibolone alors qu’elles été traitées par AVK (warfarine 5 fois et phénindione 1 fois). Dans ces 6 cas, un niveau d’anticoagulation trop important a été constaté à la première (5 cas) ou deuxième détermination de l’INR (1 cas) qui ont suivi l’introduction du traitement par tibolone. Un traitement par vitamine K a été nécessaire chez deux patientes et une réduction de la posologie de l’AVK dans tous les cas. Une de ces femmes a par ailleurs dû arrêter son traitement par tibolone, ce qui a entraîné la nécessité d’augmenter la dose de warfarine.
A l’inverse, chez 16 femmes traitées par AVK et ayant reçu un THS autre que par tibolone, 8 n’ont pas eu de modification de leur niveau d’anticoagulation et les adaptations de la posologie de warfarine, nécessaires chez les 8 autres, ont été mineures ou modérées.
Au total, la précaution d’emploi présente dans le dictionnaire Vidal concernant cette association médicamenteuse mérite toute l’attention des prescripteurs et des pharmaciens. Des modifications rapides et parfois importantes de l’INR peuvent être attendues lors de l’introduction (ou de l’arrêt) de la tibolone chez des patientes traitées par AVK et justifient donc un suivi attentif de l’INR avec adaptation posologique de l’AVK si nécessaire.
Br J Obstet Gynaecol 2003;110:777-9
A suivre…
• Le risque d’hyperprolactinémie en présence deneuroleptiques “conventionnels” est souventnégligé. C’est ce qu’il ressort d’une revue de lalittérature récente, qui suggère clairement queles médecins sous-estiment la prévalence de cestroubles cliniques et biologiques dont lesconséquences se manifestent au planpsychologique, mais également au plan physiqueavec une accélération de la perte osseuse.
Br J Psychiatry 2003;182:199-204.
• Bien que souvent minimisés ou ignorés, lessyndromes de sevrage aux IRSS existent, enparticulier avec les IRSS à demi-vied’élimination courte. Les symptômes les plusfréquents sont la survenue de sensationsvertigineuses, de céphalées, de nausées, deparesthésies et parfois de réactions maniaques.La prévention de ces syndromes de sevragejustifie l’arrêt progressif, sur quelques semaines,d’un traitement par IRSS.
Curr Med Res Opin 2003;19:13-21;
Int Clin Psychopharmacol 2002;17:217-25
Vous avez observé des effets
indésirables semblables,
Notifiez-les au CRPV…
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Vos questions :
Un patient insuffisant rénal, ayant présenté une dizaine d’années auparavant une urticaireet un angioedème en présence de tisopurine (THIOPURINOL), peut-il être traité par allopurinol(ZYLORIC) ?
D’après les données de la littérature, il apparaît que l’allopurinol, dont la structure chimiqueest très proche de celle de la tisopurine qui a vu sa commercialisation arrêtée en 1996, puisseentraîner une manifestation du même type chez ce patient. Ceci est d’autant plus vrai que de tellesréactions « allergiques » en présence d’allopurinol (ou de tisopurinol) semblent favorisées parl’existence d’une insuffisance rénale (ou un traitement par diurétiques thiazidiques).
Comment dans ces conditions procéder en cas d’allergie à l’allopurinol et dans des situationscliniques où il n’y a pas d’alternative thérapeutique (goutte tophacée; surproduction majeure d’acideurique; crises de goutte très fréquentes; lithiases rénales uriques récidivantes; lithiases oxalocalciquesrécidivantes associées à une hyperuricosurie; prévention d’une néphropathie urique aiguë chez despatients recevant des thérapeutiques cytotoxiques…) ?
La « désensibilisation » par voie orale a en fait été proposée dans la littérature médicale oùl’on retrouve de nombreux cas de désensibilisation réussie chez des sujets ayant présenté de tellesréactions allergiques, parfois graves, après la prise d’allopurinol.
Cette désensibilisation se déroule par voie orale, mais la voie intraveineuse est parfois utiliséechez des patients pour lesquels une désensibilisation orale a échoué. En raison du risque potentiel desurvenue d’une réaction grave, néanmoins rare avec ces protocoles de désensibilisation, le patient etsa famille doivent être informés des risques et il est prudent d’éviter la désensibilisation chez lespatients ayant manifesté des réactions sévères à l’allopurinol. Surtout, certaines toxidermiespotentiellement graves, notamment bulleuses, en présence d’allopurinol, contre-indiquentdéfinitivement l’utilisation de ce produit en raison d’un risque majeur lors de sa réintroduction (cfBrèves n° 9) : pas question dans ces conditions d’envisager de telles désensibilisations.
Dans ces protocoles de désensibilisation, la survenue de réactions cutanées mineuresnécessitent l’arrêt de la désensibilisation, avec néanmoins la possibilité selon certains auteurs d’unereprise ultérieure : la prednisolone ou des antihistaminiques H1, ou les deux, peuvent parfoissupprimer ces réactions mineures, permettant ainsi la poursuite de la désensibilisation.
Arthritis Rheum 1991;34:1329-31; Am J Med 1992;93:299-302; Arthritis Rheum 2001;44:231-8
Peut-on observer la survenue de myalgies localisées au niveau de la zone d’applicationd’un patch à la nicotine chez des patients pris en charge pour un sevrage tabagique ? Peut-ons’attendre à la même réaction avec la prescription de gomme à mâcher ?
La nicotine est un agoniste des récepteurs cholinergiques nicotiniques présents dansl’organisme, notamment au niveau de la plaque motrice des jonctions neuro-musculaires.L’acéthylcholine, libérée par les terminaisons nerveuses motrices, déclenche la contraction enstimulant ces récepteurs nicotiniques.
En théorie, une stimulation des récepteurs nicotiniques avec des préparations à base denicotine est dès lors possible et pourrait conduire à l’observation, chez des patients traités par unsubstitut nicotinique, de myalgies ou de crampes musculaires.
Dans les monographies françaises, la possibilité de myalgies n’est pas signalée dans la listedes effets indésirables des substituts nicotiniques. Par contre, dans les monographies anglo-saxonnes,la survenue exceptionnelle de myalgies est signalée, quelle que soit la voie d’administration (patch,gomme, inhalateur buccal). Cet effet indésirable n’est cependant qu’exceptionnellement observé :ainsi, en ce qui concerne les formes transdermiques de nicotine, une méta-analyse sur les effetsindésirables de ces formes pharmaceutiques sur l’ensemble des publications parues jusqu’en 1996 ne
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rapporte pas, sur 5501 patients traités versus 3752 témoins, d’observations de myalgies (il est cependant à noter que 15 % des effets indésirables mineurs, c’est à dire ne conduisant pas à l’arrêt du traitement, ne sont pas identifiés dans cette méta-analyse).
Si l’on interroge maintenant la base de données des Centres régionaux de pharmacovigilance, ceteffet indésirable est par contre retrouvé avec toutes les formes pharmaceutiques de nicotine et conduithabituellement à l’arrêt du traitement. Ce sont cependant plus particulièrement les formestransdermiques qui sont impliquées et des observations tout à fait caractéristiques sont notifiées dedouleurs musculaires localisées en regard du point d’application ou plus étendues au niveau dumembre où a été appliqué le patch. Ces douleurs disparaissent rapidement après le retrait du patch etréapparaissent tout aussi rapidement, en quelques dizaines de minutes, lors d’une nouvelleapplication du patch. Dans certaines observations, la localisation des myalgies a même suivi leschangements de zone d’application (bras, cuisses, …). Un effet-dose est possible car les dosages lesplus concentrés en nicotine sont les principaux responsables. Aucune information n’est par contredisponible dans ces dossiers pour savoir si le passage à une gomme à mâcher a permis de contournercet effet indésirable !
Drug Safety 1998;18:297-308
Vos Observations :
des antihistaminiques H1 sédatifs (alimémazine, bromphéniramine, dexchlorphéniramine, dimenhydrinate, diphenhydramine, hydroxyzine, prométhazine) est faible lorsqu’ils sont utilisés seuls mais est fort en cas d’association aux opioïdes. En effet, cette association augmenterait les effets gratifiants des opioïdes et auraient des propriétés psychostimulantes proches de celles observées avec la cocaïne. Quant au syndrome de sevrage lié aux antihistaminiques H1, il n’existe que pour ceux à activité anticholinergique (dont fait partie la diphenhydramine), pour lesquels on peut observer un rebond cholinergique à l’arrêt du traitement.
Une jeune fille de 15 ans a acheté à trois reprises sur une même semaine du CODOLIPRANE (paracétamol-codéine) et de la NAUTAMINE (diphénhydramine). Ces médicaments, en vente libre en pharmacie, ont chaque fois été délivrés par un pharmacien différent, auquel la jeune fille expliquait que ces produits étaient destinés à sa mère. A la troisième délivrance, le pharmacien s’est étonné, s’est interrogé sur un usage détourné de ces médicaments, et a appelé le Centre régional de pharmacovigilance.
Ainsi, dans le cadre de cette observation et d’après ces données, un usage détourné du CODOLIPRANE® associé à la NAUTAMINE® (par la jeune fille ou sa mère) doit effectivement être envisagé, peut être dans le cadre d’une tentative de sevrage à l’héroïne.
Nos commentaires :
L’utilisation de la codéine peut bien sûr être détournée de ses indications par des patients à la recherche de ses effets euphorisants modérés. Cet usage n’est pas sans risque puisqu’une dépendance psychique et physique peut s’instaurer pour des doses quotidiennes faibles, avec une possibilité de survenue d’un syndrome de sevrage d’intensité beaucoup plus modérée que celui rencontré avec les opïoïdes forts. Ce sevrage apparaît environ 8 heures après la dernière prise de codéine, avec une intensité maximale au 2ème jour et disparaît dans la semaine.
Centres d’Evaluation et d’Information sur la Pharmacodépendance (C.E.I.P.); www.centres-pharmacodépendance.net
La codéine est parfois utilisée de façon détournée dans le cadre d’un sevrage à l’héroïne, en automédication, par des patients qui désirent “décrocher” des injections d’héroïne.
La diphénhydramine est un antihistaminique H1 qui se caractérise par un important effet sédatif aux doses usuelles, et par un effet anticholinergique. Le potentiel de dépendance
Si vous observez un effet indésirablegrave et/ou inattendu ou
si vous désirez un renseignement sur un médicament :
N’hésitez pas à nous contacter :