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Brèves en Pharmacovigilance
Numéro 28, août-octobre 2009
SOMMAIRE
Editorial

Grippe A et pharmacovigilance
Littérature
AINS et grossesse
A suivre…
Contre-Indication du gel buccal de miconazole chez l’enfant de moins de 6 mois
Vos questions
Rôle du ZOMETA® dans la survenue d’une uvéite
A quel moment est-il préférable de prendre un traitement par IPP
Vos observations
A propos d’une erreur de délivrance : LAMISIL®/LAMICTAL®

Ont participé à la réalisation
de ce numéro :
J. Caron
S. Gautier
S. Deheul
J. Dekemp
J. Bene
N. Lemaire
J. Pamart
Grippe A (H1N1v) et pharmacovigilance : notre responsabilité
La grippe A (H1N1v) est plus contagieuse que la grippe saisonnière et cela justifie
pleinement les mesures de prévention préconisées (lavage des mains, limitation de la
diffusion en cas d’éternuement, port de masque …), mais sa gravité reste difficile à
cerner en l’état.
Si les sujets à risque de complications pour la grippe A (H1N1v) ne semblent pas
différents de ceux de la grippe saisonnière (sujets âgés, sujets avec néphropathies,
cardiopathies ou affections broncho-pulmonaires chroniques, sujets
immunodéprimés, obèses, alcooliques, femmes enceintes, nourrissons, enfants et
adolescents), la prise en charge thérapeutique de la grippe A (H1N1v) est cependant
différente de celle d’une grippe saisonnière puisqu’en préventif comme en curatif :
– Des antiviraux peuvent être proposés, en priorité chez le sujet à risque, alors
que cette attitude est rare en cas de grippe saisonnière. Ces antiviraux
réduiraient la durée et la sévérité de l’infection s’ils sont administrés dans les
48 heures après le début des symptômes ou après le dernier contact avec un
sujet infecté. Notons que, à l’occasion de cette pandémie, le TAMIFLU® ou
le RELENZA® ont reçu les approbations des autorités de santé pour être
administrés chez le jeune enfant, le nourrisson et la femme enceinte
(http://www.afssaps.fr/Dossiers-thematiques/Pandemie-grippale/Lesantiviraux/(
offset)/1).
– La vaccination contre la grippe A (H1N1v) est proposée en plus du vaccin
contre la grippe saisonnière. En effet, ce dernier contient une souche H1N1
qui n’immunise pas contre le variant responsable de la pandémie actuelle. La
vaccination contre la grippe A (H1N1v) doit être proposée en priorité aux
sujets à risque, tout en sachant qu’il faut privilégier pour les enfants et les
femmes enceintes, par principe de précaution, le vaccin sans adjuvant (vaccin
CEVALPAN®). Les données de pharmacovigilance pour ces vaccins sont
indirectes, car issues des essais cliniques et de l’expérience acquise au cours
de la pandémie de grippe A (H5N1), mais n’apparaissent pas différentes des
données de sécurité des vaccins contre la grippe saisonnière.
Les professionnels de santé sont donc tout naturellement confrontés à des patients
s’interrogeant sur le rapport bénéfice/risque de la vaccination ou du traitement
antiviral. En l’état des données et dans le cadre d’une pandémie, le bénéfice de la
vaccination et de l’utilisation d’antiviraux, principalement axé sur les sujets à risque,
apparaît supérieur aux exceptionnels effets indésirables graves rapportés (par
exemple : syndrome de Guillain-Barré pour toute vaccination antigrippale, et troubles
neuropsychiatriques pour les antiviraux).
Toutefois, face à une vaccination et à une prescription d’antiviraux
vraisemblablement massives (plusieurs millions de personnes en France, tous terrains
confondus), il nous semble important d’être vigilant à tout événement indésirable
grave et/ou inattendu rapporté par le patient ou que vous seriez susceptible d’observer
et la déclaration de ces observations auprès de vos centres régionaux de
pharmacovigilance apparaît impérative pour confirmer la bonne tolérance de ces
produits.
Fiches mémo pratiques :
http://www.invs.sante.fr/display/?doc=surveillance/grippe_dossier/informations_pratiques.htm
Brev Pharmacovig 2009 ; août-octobre ; 28 2
Brèves de la Littérature :
AINS et grossesse
Une étude ayant pour objectif d’évaluer les
connaissances des femmes enceintes en ce qui
concernent les traitements de la douleur et
l’utilisation des AINS (anti-inflammatoires non
stéroïdiens) au cours la grossesse vient d’être
publiée. Elle a porté sur 250 femmes enceintes,
vues en consultation à la maternité publique de
l’hôpital de Toulouse. Les caractéristiques
sociodémographiques de cet échantillon sont tout à
fait comparables à celles de la population générale
des femmes enceintes dans la région. Ces femmes
étaient interrogées par un pharmacien de l’hôpital
selon un questionnaire standardisé. Vingt deux %
des femmes interrogées se sont automédiquées au
moins une fois depuis le début de leur grossesse, en
particulier pour des douleurs. Les médicaments
consommés étaient le paracétamol, le
phloroglucinol (SPASFON®), l’ibuprofène et
l’aspirine. Parmi ces femmes, on peut remarquer
que celles qui consommaient régulièrement des
AINS comme antalgique avant la grossesse
continuent à le faire pendant. De même, il est à
noter que pour quelques femmes, la prise d’un
AINS pour la douleur leur a été conseillée ou
prescrite par un professionnel de santé. Par ailleurs,
40% des femmes interrogées pensent que
l’ibuprofène est le plus efficace des antalgiques et
12% pensent que c’est l’aspirine ou le paracétamol.
En ce qui concerne la perception du risque pendant
la grossesse, plus de 2 femmes sur 3 ne savent pas
que l’aspirine et l’ibuprofène sont des AINS (34%
ne savent pas non plus que l’acide niflumique en
est un !) et plus d’une femme sur 3 pensent que les
AINS ne sont pas dangereux lorsqu’ils sont utilisés
en 2ème partie de grossesse. Dix huit % des femmes
ne savent pas si elles peuvent prendre de l’aspirine
au 3ème trimestre de la grossesse, et ce chiffre monte
à 26% pour l’ibuprofène et 35% pour l’acide
niflumique. Au total, seulement 8% des femmes
sont avisées du risque lié à l’administration d’un
AINS pendant la grossesse alors qu’elles sont 49%
à connaître les risques liés à l’alcool et 42% ceux
du tabac.
Il ressort de l’ensemble de ces résultats que
beaucoup de femmes ignorent les risques liés à
l’utilisation des AINS au cours de la grossesse, soit
parce qu’elles n’identifient pas la spécialité en tant
qu’AINS, soit parce qu’il s’agit de spécialités à
prescription médicale facultative auxquelles elles
attribuent une totale sécurité d’emploi. Malgré les
nombreuses campagnes d’information concernant
les risques des AINS en deuxième partie de
grossesse (à partir de la 24ième semaine
d’aménorrhée, i.e. au 5 mois de grossesse
révolus), une meilleure information des femmes
enceintes reste donc indispensable. Le rôle des
professionnels de santé en contact avec les
femmes enceintes est bien sûr primordial dans la
délivrance de cette information et une aide
visuelle (comme la présence d’un pictogramme
comme sur les bouteilles de vin) et
l’établissement d’une liste de médicaments
contenant des AINS pourraient également être
d’une grande utilité.
Pharmacoepidemiol and drug saf 2009 ; DOI : 10.1002/pds
Si vous observez un effet indésirable grave
et/ou inattendu ou
si vous désirez un renseignement sur un
médicament :
N’hésitez pas à nous contacter :
 : 03-20-96-18-18
 : 03-20-44-56-87
 : crpv@chru-lille.fr
A suivre…
Pourquoi une récente contre-indication du gel
buccal de miconazole (DAKTARIN) chez le
nourrisson de moins de 6 mois a-t-elle été
introduite ?
Cette décision émane du laboratoire et est liée aux
modalités d’administration du produit, et non au
principe actif et à ses interactions
médicamenteuses. Cela ne concerne que la forme
gel buccal. En effet, des cas de « cyanose, d’apnée
et d’obstruction des voies aériennes supérieures »
après application buccale de miconazole ont été
rapportés chez des nourrissons, dont on sait que le
réflexe de déglutition n’est pas mature (il le
devient à partir de l’âge de 6 mois). Dans ces
conditions, et par prudence, le laboratoire a
contre-indiqué le miconazole gel buccal chez les
nourrissons de moins de 6 mois.
Brev Pharmacovig 2009 ; août-octobre ; 28 3
Vos Observations :
A propos d’une erreur de délivrance …
Une jeune fille de 16 ans présentant une
onychomycose se voit prescrire, le 27 avril dernier,
de la terbinafine (LAMISIL®). Douze jours après le
début du traitement, elle présente des lésions
maculo-papuleuses limitées aux pieds suivies, 48
heures plus tard, d’une fièvre à 40°C, d’une
dysphagie avec adénopathie cervicale
douloureuse qui l’amènent à consulter son médecin
traitant. Le médecin évoque une angine, prescrit de
la clarithromycine et fait arrêter le traitement en
cours qui s’avère ne pas être le LAMISIL® prescrit
mais du LAMICTAL® (lamotrigine), délivré par
erreur par le pharmacien. L’état de la jeune fille
continue à s’aggraver avec extension des lésions
cutanées à 60% de la surface corporelle et
installation d’un oedème du visage. La patiente est
alors hospitalisée en dermatologie où les lésions se
complètent avec apparition de bulles et atteinte des
muqueuses. Le diagnostic de syndrome de Lyell est
alors posé. Le décollement de la surface cutanée
finira par atteindre 90% de la surface corporelle,
conduisant à un transfert en réanimation.
L’évolution, favorable, permettra la sortie de la
patiente trois semaines plus tard.
Nos commentaires
Cette observation d’erreur de délivrance n’est
malheureusement pas isolée1,2. On retrouve en effet
plusieurs cas graves d’effets indésirables liés à une
délivrance erronée de cet antiépileptique à la place
de cet antifongique (ou l’inverse !). Les effets
indésirables observés étaient comme dans notre
observation, des réactions cutanées graves à type
de syndromes de Lyell ou de Stevens Johnson ou de
réactions d’hypersensibilité.
Après cette observation, l’Afssaps a rappelé que
« L’attention des professionnels de santé doit être
attirée sur ce risque de confusion entre terbinafine
(LAMISIL®) et lamotrigine (LAMICTAL®) avec
notamment en cas de doute une vérification auprès
du médecin de l’indication pour laquelle le
médicament est prescrit »3.
1- Ann Dermatol Venereol 2009 ;136 :364-65
2- Neurology 1997 ;49 :893
3-Afssaps, bulletin des vigilances n°46
http://www.afssaps.fr/var/afssaps_site/storage/original/application/c3a
d4581991053899ca6ea97f5435b1f.pdf
Vos questions :
Faut-il évoquer le rôle du zolédronate
(ZOMETA®) dans la survenue d’une uvéite 4
jours après l’administration du traitement ?
L’analyse de la littérature rapporte de nombreux
cas de complications oculaires variées liés à
l’utilisation des biphosphonates. Ces
complications sont essentiellement des
conjonctivites mais aussi des sclérites
(inflammation de la sclérotique), des épisclérites
et des uvéites (inflammation de l’uvée qui
comprend l’iris, les corps ciliaires et la choroïde)
(1,2,3,4,5). Les uvéites décrites dans la littérature
avec les biphosphonates sont toujours des uvéites
antérieures, atteignant l’iris (iritis) ou les corps
ciliaires (cyclite) ou les deux (iridocyclite). Dans
la plupart des cas, les symptômes (douleurs
oculaires, baisse plus ou moins importante de
l’acuité visuelle, larmoiements, oeil rouge,
photophobie…) apparaissent dans les 72 heures
qui suivent l’administration du biphosphonate et
disparaissent après arrêt du traitement et
traitement local (1). Ce sont surtout les
aminobiphosphonates qui sont impliqués
(alendronate, pamidronate, zolédronate,
risédronate) mais un cas sous clodronate a été
rapporté. Chez certains patients, ont été observés
des rechallenges positifs, soit avec le même
biphosphonate, soit avec un autre biphosphonate.
D’autres auteurs, au contraire, n’ont pas observé
de réapparition des symptômes après
réintroduction du même biphosphonate (5) ou
d’une autre molécule de la même classe (2).
La base nationale de
pharmacovigilance comporte 2 cas d’uvéite sous
zolédronate : les symptômes oculaires sont
apparus respectivement 2 et 4 jours après la 1ère
injection et étaient associés dans le 2ème cas à de
la fièvre et des frissons. Le traitement a été arrêté
et dans les 2 cas, l’évolution a été favorable,
comme dans l’observation qui a conduit à cette
question.
Le mécanisme par lequel ces molécules induisent
une inflammation oculaire n’est pas connu mais
on sait que les aminobiphosphonates provoquent
une élévation des taux de cytokines proinflammatoires,
dont le TNF-alpha et
l’interleukine 6. Les facteurs qui prédisposeraient
certains patients à ces effets oculaires ne sont par
ailleurs pas identifiés.
(1) MJA 2008;188:370-1.
(2) J Rheum, 2008;35:2458-9.
(3) BMC Cancer 2005 ; 5:156.
(4) Med Oncol 2008;25(2):238-40.
(5) Clin Oncol 2006;18:545-6.
Brev Pharmacovig 2009 ; août-octobre ; 28 4
« A quel moment est-il préférable de prendre un traitement par IPP ?»
Par leur action inhibitrice sur la pompe à protons, les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) diminuent la
sécrétion acide au niveau gastrique et sont indiqués dans l’ulcère gastro-duodénal, l’oesophagite, les troubles
dyspeptiques persistants et le reflux gastro-oesophagien .
Depuis leur mise sur le marché, il y a une vingtaine d’années, les IPP ont démontré leur efficacité. Cependant, des
questions subsistent concernant l’optimisation thérapeutique de ces traitements, et notamment sur les modalités de
leur prise dans la journée.
1/ Prise du matin ou prise du soir ?
D’un point de vue physiologique, la sécrétion acide de l’estomac obéit à un rythme circadien avec un pic de
sécrétion entre 22h et 2h, reflétant probablement le tonus parasympathique élevé du début de la nuit. Ainsi, la prise
de l’IPP le soir a été longtemps préconisée afin d’éviter ce pic nocturne.
Cependant, il apparaît qu’une prise matinale d’IPP permet de maintenir une valeur de pH gastrique moyenne sur
24 heures plus satisfaisante qu’une prise vespérale. En effet, la période de jeûne précédant le petit déjeuner étant la
plus longue du nycthémère, c’est au moment du petit déjeuner que le nombre de pompes activées est le plus
important. Les IPP, qui n’agissent que sur des pompes activées, sont donc plus efficaces à ce moment là.
Notons que dans certains cas la prise d’IPP matin et soir est justifiée notamment pour l’éradication d’Helicobacter
pylori chez les patients ulcéreux et dans la prise en charge du syndrome de Zollinger-Ellison.
2/ Prise avant ou après le repas ?
Trois arguments sont en faveur d’une prise avant le repas : i) le bol alimentaire peut interférer avec l’absorption
des IPP au niveau intestinal ; ii) les IPP sont sensibles à l’acidité gastrique (dégradation du principe actif), or
l’acidité est plus importante après les repas (cependant, pour remédier à ce problème, ces spécialités ont toutes des
formes gastrorésistantes) ; iii) les pompes à protons, actives au moment du repas, ne seront efficacement bloquées
que si l’IPP est déjà dans l’organisme, donc pris bien avant le repas.
Aussi, à cette question du meilleur moment de la prise des IPP, la prise avant le repas semblerait la plus logique,
mais la question de combien de temps avant le repas reste entière et il n’est pas facile de prendre par exemple de
l’OGAST® trente minute avant un repas (cf tableau ci-dessous). Quant à la prise matinale ou vespérale, les
monographies ne sont pas toutes renseignées (cf tableau) mais quand elles le sont incitent à la prise matinale. En
pratique, il est surtout important que le patient soit observant vis-à-vis de son traitement et qu’il choisisse donc le
moment lui convenant le mieux pour cette prise.
IPP Fixation Demi-vie
Matin midi ou
soir
Prise à jeun Génériques
Oméprazole
MOPRAL®
NR
40 minutes (phase
terminale)
NR NR
Indépendamment
de la prise des
repas
Esoméprazole
INEXIUM®
NR 1,3 heures NR NR NR
Lanzoprazole
OGAST®
Réversible 1 à 2 heures Matin
30 minutes avant
le repas
Matin 30 minutes
avant le repas
Pantoprazole
EUPANTHOL®
NR 1 heure NR Avant un repas Avant un repas
Rabéprazole
PARIET®
NR 0,7 à 1,5 heures Matin Avant le repas NR
NR : non renseigné
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