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Brèves en Pharmacovigilance
Numéro 30, Janvier – Avril 2010
SOMMAIRE
Editorial

Suspension d’AMM du MEDIATOR® : les données de pharmacologie permettaient de gagner du temps
Littérature
Ibuprofène et Paracétamol chez l’enfant en cas de fièvre : monothérapie ou administration concomitante ou alternée
A suivre…
Kétoprofène
Vos questions
Existe-t-il une justification à la prescription de XATRAL® chez les patients atteints d’un calcul urétéral ?
Existe-t-il une interaction tramadol/ondansétron ayant pour conséquence d’augmenter les doses de tramadol ?
Vos observations
Méningite aseptique et traitement par immunoglobulines.

Ont participé à la réalisation
de ce numéro :
J. Caron
S. Gautier
S. Deheul
J. Dekemp
J. Pamart
EDITORIAL :
Suspension d’Autorisation de Mise sur le Marché du benfluorex
(MEDIATOR®) : les données de pharmacologie permettaient de gagner
du temps.
Le benfluorex était encore indiqué en début d’année comme « adjuvant du régime
adapté chez les patients diabétiques avec surcharge pondérale ». Le produit était
commercialisé sous le nom de MEDIATOR® depuis 1976, et deux génériques
étaient apparus depuis octobre 2009. L’indication du MEDIATOR® en tant que
« adjuvant du régime adapté dans les hypertriglycéridémies» avait été supprimée en
2007, à la suite d’une ré-évaluation de son rapport bénéfice/risque, jugée
défavorable dans cette indication. Vingt pour cent des prescriptions se faisaient hors
AMM en France, notamment dans le cadre d’une simple perte de poids.
Après que la Commission Nationale de Pharmacovigilance, en septembre 2009 lors
d’un nouvel examen des données, ait conclu que le profil de risque du benfluorex
était inacceptable en raison d’un risque de valvulopathies cardiaques, la commission
d’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM), en novembre 2009, a jugé le rapport
bénéfice/risque du produit défavorable, conduisant ainsi le Directeur Général de
l’AFSSAPS à prendre la décision de suspendre l’AMM des spécialités contenant du
benfluorex (30 novembre 2009). Cette décision est l’aboutissement d’un travail de
longue haleine de la Pharmacovigilance française, qui a suivi depuis de nombreuses
années déjà les cas d’hypertension artérielle pulmonaire idiopathique puis de
valvulopathie cardiaque rapportés au système national de pharmacovigilance, alors
que les résultats d’études cliniques ont permis de révéler un excès de risque
d’atteintes valvulaires (touchant essentiellement les valves aortiques et mitrales) en
cas de prise de benfluorex (PV du 23 octobre 2009 de la commission d’AMM :
http://www.afssaps.fr/Afssaps-media/Publications/Ordres-du-jour-comptes-rendusde-
commissions).
Le benfluorex a une structure chimique amphétaminique, proche de celles de la
fenfluramine (ex PONDERAL®) et de la dexfenfluramine (ex ISOMERIDE®), tous
deux anorexigènes sérotoninergiques. Le benfluorex est métabolisé dans
l’organisme en norfenfluramine, métabolite commun à la fenfluramine et à la
dexfenfluramine. A sa posologie préconisée, le benfluorex amenait à des
concentrations plasmatiques en norfenfluramine voisines de celles constatées lors
d’un traitement par fenfluramine. Or le PONDERAL® et l’ISOMERIDE® ont tous
deux été retirés du marché il y a 13 ans (en 1997) en raison d’un profil de sécurité
jugé défavorable, avec en particulier un risque de survenue d’hypertension artérielle
pulmonaire idiopathique et de valvulopathies.
Il fallait donc s’attendre à ce que le MEDIATOR® ait les mêmes effets indésirables
que le PONDERAL® et l’ISOMERIDE® et certains ont ainsi pu juger que la
décision concernant le benfluorex est tardive. Ces faits nous rappellent qu’à côté du
nécessaire (et efficace) suivi de pharmacovigilance post-commercialisation, la
réflexion pharmacologique sur un médicament, tant d’un point de vue
pharmacodynamique que pharmacocinétique, doit pouvoir amener à anticiper la
survenue de certains effets indésirables et à réagir rapidement.
http://www.afssaps.fr (lettres aux professionnels de santé et note d’information du 25 novembre 2009,
communiqué de presse du 02 septembre 1999)
Brev Pharmacovig 2010 ; janvier – avril ; 30 2
Brèves de la Littérature :
Ibuprofène et paracétamol chez l’enfant en
cas de fièvre : monothérapie ou
administration concomitante ou alternée ?
Une recherche dans les différentes bases de
données internationales (Pubmed, Medline,
Cochrane, Embase, CINAHL) sur l’ibuprofène
et le paracétamol, en tant qu’antipyrétiques
chez l’enfant, n’a rapporté que 5 études
randomisées et contrôlées comparant une prise
concomitante ou alternée de ces antipyrétiques
avec une prise isolée (1).
Dans 2 de ces études, l’administration
d’ibuprofène et de paracétamol est
concomitante, comparée à une administration
d’ibuprofène ou de paracétamol seul. Dans ces
deux études, l’association de paracétamol et
d’ibuprofène n’est pas plus efficace sur la
durée et la diminution de la fièvre que
l’administration d’ibuprofène seul et
marginalement supérieure à l’administration de
paracétamol seul. Ces deux études sont
cependant de faible qualité méthodologique,
n’ont pas été réalisées en aveugle, et ont été
effectuées sur de faibles effectifs, avec des
prises de température trop espacées (plus de 2
heures).
Dans les 3 autres études, l’ibuprofène et le
paracétamol sont administrés en alternance
toutes les 3 ou 4 heures versus ibuprofène ou
paracétamol utilisés seuls. L’alternance
d’ibuprofène et de paracétamol a été trouvée
plus efficace que la monothérapie par
ibuprofène ou paracétamol seuls dans 2 études
et marginalement supérieure au paracétamol
dans la troisième. Là encore, ces études sont de
faible qualité méthodologique, réalisées en
ouvert sur de faibles effectifs, utilisant des
posologies d’antipyrétiques variables et sans
placebo pour l’une de ces études. Par ailleurs,
les différences des températures observées
entre la prise alternée et la monothérapie (par
l’une ou l’autre molécule) sont cliniquement
faibles dans 2 études (inférieure à 1° C).
Au vu des limites scientifiques de ces études,
et compte tenu du profil des effets indésirables
de l’ibuprofène (effets gastro-intestinaux,
réactions d’hypersensibilité, atteintes cutanées
graves notamment en cas de varicelle), le
paracétamol en monothérapie reste donc le
traitement à privilégier en cas de fièvre chez
l’enfant. La bithérapie, en privilégiant
l’alternance, sera réservée en cas de fièvre
importante, lorsque la réponse au
paracétamol est insuffisante.
(1) BMJ 2010 ; 340 :b3540
A suivre…
Le kétoprofène est un anti-inflammatoire non stéroïdien
fréquemment utilisé en rhumatologie et en traumatologie
bénigne sous forme de gel, par voie topique percutanée,
pour ses propriétés antalgiques. Vingt deux spécialités à
base de gel de kétoprofène sont commercialisées en
France, dont le KETUM® gel, très utilisé en pratique.
Plusieurs enquêtes nationales de pharmacovigilance ont
été réalisées concernant ces spécialités après que des
réactions rares, mais graves, de photoallergie aient été
identifiées dès 1993, ayant conduit à des modifications du
résumé des caractéristiques de ces produits, répercutées
par l’envoi de lettres aux professionnels de santé, et à
l’ajout d’un pictogramme sur leur conditionnement
incitant les patients à se protéger du soleil.
Or, entre janvier 2001 et février 2009, 371 cas d’effets
indésirables, dont 62% graves (parmi lesquels 44% étaient
des réactions de photoallergie, survenant principalement
avec le KETUM® gel), ont été notifiés au système
national de pharmacovigilance, mettant en évidence, entre
autres, le non respect fréquent des recommandations
d’utilisation de ces produits. Aussi, le Directeur Général
de l’Afssaps, après avis des commissions nationale de
pharmacovigilance et d’AMM, a suspendu le 12 janvier
2010 l’autorisation de mise sur le marché des gels de
kétoprofène avec retrait immédiat de toutes les spécialités
concernées.
A la suite de la décision de l’Afssaps, l’Agence
Européenne du Médicament a engagé une procédure de
ré-évaluation des effets indésirables liés à l’utilisation des
gels de kétoprofène. Le laboratoire Menarini, qui
commercialise le KETUM® gel, a contesté la décision
française et déposé fin décembre 2009 une requête en
référé-suspension auprès du Conseil d’Etat. Cette
ordonnance, prise dans le cadre d’une procédure
d’urgence, a amené le juge des référés à suspendre la
décision du Directeur Général de l’Afssaps et le
laboratoire peut donc de nouveau commercialiser le
KETUM® gel.
En dehors du fait, peu banal, qu’une décision de l’Afssaps
et de son Directeur, émanant d’un avis d’experts
médicaux, puisse être contestée par un juriste sur des
arguments n’ayant que peu de rapport avec la Santé
Publique, cette ordonnance ne préjuge pas de la décision
qui sera prise dans le courant du semestre par l’Agence
Européenne. Cela reste donc bien une affaire à suivre….
http://www.afssaps.fr (lettres aux professionnels de santé du
18/12/2009 et point d’information du 27/01/2010)
Brev Pharmacovig 2010 ; janvier – avril ; 30 3
Vos questions : Existe t-il une interaction tramadol/ondansétron amenant, en cas d’association, à
augmenter les doses de tramadol?
Le tramadol (TOPALGIC® et génériques) est un opioïde faible, dont une partie des effets antalgiques réside également
par une action centrale majorant les concentrations en sérotonine et noradrénaline au niveau des voies descendantes
inhibitrices de la douleur. L’ondansétron (ZOPHREN®) est quant à lui un antiémétique agissant par une action
antagoniste au niveau des récepteurs 5-HT3 de la sérotonine.
Les différentes monographies françaises et étrangères précisent la possibilité d’une interaction entre le tramadol et
l’ondansétron. Cette interaction est d’ordre pharmacocinétique et pharmacodynamique. En effet, l’ondansétron, comme
le tramadol, sont tous deux métabolisés par le cytochrome P450 2D6. L’hypothèse d’une compétition au niveau de ce
cytochrome pourrait expliquer une diminution de la métabolisation du tramadol en son métabolite actif (le Odéméthyltramadol),
et de ce fait une diminution de l’efficacité antalgique du produit (par interaction pharmacocinétique)
(1). Par ailleurs, les récepteurs 5-HT3 sont impliqués dans la transmission de la douleur au niveau de la moelle épinière
(2,3). L’ondansétron, antagoniste de ces récepteurs 5-HT3, pourrait ainsi diminuer l’efficacité du tramadol dont l’action
antalgique passe (entre autres) par une augmentation centrale de la sérotonine (interaction pharmacodynamique).
Trois études cliniques (2-4) en analgésie autocontrolée ont montré une consommation plus importante de tramadol dans
le cadre de douleurs post-opératoires lorsque les patients avaient reçu un traitement antiémétique par ondansétron. Ce
constat n’est par contre pas fait lors de l’association ondansétron/morphine (agoniste opioïde fort sans action sur les
voies sérotoninergiques), confirmant ainsi le rôle important de la sérotonine dans le mécanisme d’action antalgique du
tramadol et l’éventuelle pertinence de prendre en compte cette interaction ondansétron / tramadol (4). Ces données ont
donc été logiquement reprises par la Société Française d’Anesthésiologie dans un article récent sur l’analgésie
autocontrôlée par le patient (5).
En l’état, il existe donc plusieurs arguments pour penser que l’association tramadol/ondansétron peut conduire à une
diminution d’efficacité du tramadol, mais cette interaction reste difficilement quantifiable en dehors du cas particulier de
l’analgésie autocontrôlée. Les conséquences pour la pratique clinique sont donc mal établies mais méritent à notre avis
d’être présentes à l’esprit des prescripteurs à un moment où le tramadol risque d’être de plus en plus prescrit en raison
de l’arrêt de commercialisation de l’association paracétamol/dextropropoxyphène (DIANTALVIC®).
(1) Acute Pain 2003; 5:31-4; (2) Anesth Analg, 2001;92(5):1319-21; (3) Anesth Analg 2002 ; 94:1553-7; (4) Agri 2007;19:36-41; (5) Ann Fr
Anesth Rea 2009;28:e49-59
Vos questions : Existe-t-il une justification à la prescription de XATRAL® (alfusozine) chez les
patients présentant un calcul urétéral ?
Plusieurs pharmaciens nous ont contactés récemment car ils étaient surpris de la prescription par des urologues de
XATRAL® (alfusozine) chez des patients, y compris des femmes, souffrant d’un calcul urétéral.
Le XATRAL® est un alpha-bloquant, antagoniste sélectif des récepteurs α1-adrénergiques post-synaptiques,
principalement indiqué chez l’homme dans le traitement des symptômes fonctionnels de l’hypertrophie bénigne de la
prostate.
La présence de récepteurs α1-adrénergiques dans l’uretère humain a été démontrée (1) et les alpha-bloquants,
principalement la tamsulosine (JOSIR®, OMIX®), mais également l’alfusozine, permettent le relâchement des fibres
musculaires lisses urétérales, une diminution du péristaltisme et une baisse de la pression intra-luminale, permettant, en
cas de calcul urétéral, une amélioration de l’expulsion « spontanée » du calcul, tant en ce qui concerne les délais que les
taux d’expulsion. Un effet antalgique serait par ailleurs associé à cette utilisation hors AMM (2).
Le profil de tolérance global de ces α-bloquants, évalué sur un nombre d’essais cliniques limité dans cette pathologie et
sur des effectifs de petite taille, semble satisfaisant, même si ces produits peuvent entraîner une tachycardie par
vasodilatation et mise en jeu du baroréflexe, ou plus rarement des effets secondaires à type de vertiges, étourdissements,
malaises, hypotension orthostatique (3).
Au total, l’emploi du XATRAL® (alfuzosine) chez un ou une patiente souffrant d’un calcul urétéral peut être
justifié d’un point de vue pharmacologique et des études cliniques laissent penser que cette prescription peut être utile.
L’utilisation des α1-bloquants dans cette indication n’en reste pas moins hors AMM et non dénuée d’effets indésirables,
notamment chez le sujet âgé.
(1) Korean J Urol 2010;51:193-7 ; (2) J Urol. 2007; 50:2418-3 ; (3) J. Urology. 2008; 179: 2244-2247
Brev Pharmacovig 2010 ; janvier – avril ; 30 4
Si vous observez un effet indésirable grave et/ou inattendu ou
si vous désirez un renseignement sur un médicament :
N’hésitez pas à nous contacter :
 : 03-20-96-18-18
 : 03-20-44-56-87
 : crpv@chru-lille.fr
Vos Observations :
Méningite aseptique et traitement par immunoglobulines
Un patient âgé de 19 ans, porteur d’une anémie chronique par érythroblastopénie liée à une infection à parvovirus B19,
avait reçu une perfusion de TEGELINE® sur 2 jours en novembre 2008 et avait dû être hospitalisé 2 jours plus tard
pour un syndrome méningé secondaire à l’injection de TEGELINE®. En janvier 2010, le traitement par TEGELINE®
est repris et le patient est de nouveau hospitalisé quelques jours plus tard pour un syndrome méningé.
Nos commentaires :
Les méningites aseptiques sont des effets indésirables rares mais bien décrits avec les immunoglobulines polyvalentes
humaines. Elles se présentent sous des formes cliniques qui vont de la forme légère avec un simple mal de tête à la
forme sévère associant céphalées très importantes, vomissements, photophobie, raideur de nuque. Les symptômes
surviennent habituellement en début de traitement (dans les 24 à 48 premières heures) ou dans les jours qui suivent
(jusqu’à une semaine après la dernière injection) et persistent en moyenne 2 à 3 jours (jusqu’à une semaine) après
l’arrêt du traitement, conduisant à une prolongation d’hospitalisation la plupart du temps et à un traitement
antalgique. Il n’y a pas d’anomalie observée au niveau de l’IRM, mais par contre on observe une augmentation des
IgG au niveau du LCR et une fréquente pléiocytose (neutrophiles et éosinophiles), notamment en cas de céphalées
importantes, conduisant à l’hypothèse que cette méningite aseptique serait liée à un passage de l’immunoglobuline au
niveau du système nerveux central (1).
Les facteurs favorisants l’apparition de cet effet indésirable sont l’administration de fortes doses
d’immunoglobulines et/ou les administrations rapides (on en observe très peu lorsque les immunoglobulines sont
administrées dans le cadre d’une hypogammaglobulinémie). Par ailleurs, les patients migraineux pourraient être plus
sensibles à la survenue de cet effet indésirable.
Le mécanisme de cet effet indésirable n’est pas compris et les interventions pour limiter la survenue de ce
risque sont donc empiriques. L’utilisation de corticoïdes pour prévenir la survenue de ces méningites ne s’est pas
révélée efficace.
Ces méningites aseptiques sont décrites avec toutes les immunoglobulines polyvalentes humaines présentes sur
le marché (effet de classe) et le fait de changer de spécialité ne diminue pas le risque de récidive. Les symptômes ne
réapparaissent cependant pas systématiquement lorsque les patients reprennent le traitement par la même spécialité,
en particulier lorsqu’ils ont présenté une méningite aseptique avec une expression clinique mineure.
Les recommandations, pour les patients qui ont besoin d’immunoglobulines de façon récurrente, préconisent
initialement l’utilisation d’une solution très diluée d’immunoglobulines (à 3%), en perfusion lente, avec par exemple
pour une posologie de 2 g/kg, une injection sur au moins 5 jours, à 0.4 g/kg/jour pour ne pas dépasser une perfusion de
plus de 6 g/heure (2). Si cette première cure est bien supportée, on peut alors perfuser les suivantes sur une durée plus
courte avec des dilutions moins importantes. Il est essentiel, lors de l’administration, que le patient soit bien hydraté et
maintienne cette hydratation, après le traitement, par une prise liquidienne suffisante. On peut également proposer
l’utilisation de paracétamol (avec ou sans codéine en prémédication) en prévention des maux de tête. L’utilisation d’un
anti-histaminique H1, notamment la cétirizine, a été conseillée par certains auteurs.
Drug Safety 2000 ;22 :215-26
BMJ 1998 ;316 :936