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Brèves en Pharmacovigilance
Numéro 15, avril-juin 2004
SOMMAIRE
Editorial

Rosuvastatine : une information européenne
Littérature
Inhibiteurs « sélectifs » de la COX2 et troubles visuels
A suivre…
Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et grossesse
Cyclines et grossesse
Vos questions
Isotrétinoïne et exposition solaire
Atorvastatine et tendinite achilléenne
Vos observations
Réapparition d’un syndrome pseudo-grippal en présence d’AVONEX
Valpromide et risque tératogène

Ont participé à la réalisation de ce numéro :
A. Bollier
J. Caron
F. Cuingnet
J. Dekemp
M. Devémy
S. Gautier
I. Masse
J. Pamart

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Editorial :
Rosuvastatine : une information européenne … pour que l’histoire ne se répète pas
Un communiqué de presse et une lettre aux professionnels de santé viennentrécemment d’être diffusés par l’Afssaps concernant la rosuvastatine (CRESTOR). Sil’on tient compte de la commercialisation éphémère de la cérivastatine, la rosuvastatine est le sixième inhibiteur de la HMG-CoA réductase à être mis àdisposition en France. CRESTOR est commercialisé en Europe depuis un an, et dansnotre pays depuis le 08 mars 2004 sous forme de comprimés dosés à 10 et 20 mg.
L’information concernant la rosuvastatine fait suite à une évaluation récente des cas derhabdomyolyse rapportés avec cette statine, ayant mis en évidence que ce risque :
– augmente pour des posologies journalières supérieures à 20 mg ;
– est majoré en cas de facteur de risque d’atteinte musculaire ;
– est majoré en cas de traitement concomitant par fibrate.
Ces données ne sont certes pas originales pour une statine, mais les nouvellesrecommandations qui accompagnent cette information précisent les limites de laprescription de la rosuvastatine :
– la posologie initiale doit être de 10 mg/j, y compris chez les personnes traitéespréalablement par un autre inhibiteur de la HMG-CoA réductase ;
– une posologie de 20 mg/j ne doit pas être dépassée, sauf chez les personnesn’atteignant pas l’objectif thérapeutique et présentant unehypercholestérolémie très sévère avec risque cardiovasculaire élevé. Dans cescirconstances, un doublement de la posologie à 40 mg/j ne peut être envisagéqu’après avis spécialisé ;
– un délai de 4 semaines doit être respecté avant toute augmentation de posologie ;
– la posologie de 40 mg/j est contre-indiquée en présence de facteurs de risques suivants :
. insuffisance rénale modérée (clairance de la créatinine < 60 mL/min) . hypothyroïdie . antécédents personnels ou familiaux d’une maladie musculaire génétique . antécédents d’atteintes musculaires à la suite d’un traitement parstatine ou fibrate . traitement concomitant avec un fibrate . situations favorisant une élévation des concentrations plasmatiques de rosuvastatine (notamment par interaction médicamenteuse) . consommation excessive d’alcool . ethnie japonaise ou chinoise Ces nouvelles recommandations et contre-indications méritent d’être gardées en mémoire, tout comme le fait qu’en France, le remboursement de CRESTOR est limité à l’utilisation de la rosuvastatine en deuxième intention, c'est-à-dire lorsque les objectifs thérapeutiques ne sont pas atteints avec une autre statine à la posologiemaximale tolérée. Brev Pharmacovig 2004 avril-juin; 15 1 Brev Pharmacovig 2004 avril-juin; 15 2 Brèves de la Littérature : Inhibiteurs « sélectifs » de la cyclo-oxygénase de type 2 (COX-2 ) et troubles visuels temporaires Dans le cadre d'un programme de surveillance post-marketing du rofécoxib (VIOXX) et du celécoxib (CELEBREX), la pharmacovigilance néo-zélandaise a rapporté 7 cas d'atteintes visuelles temporaires lors de l'utilisation de ces 2 inhibiteurs de la COX-2 : 5 sous celécoxib et 2 sous rofécoxib. Les manifestations observées étaient : vision floue, diminution du champ visuel ou encore cécité temporaire. Dans tous les cas, l'évolution a été rapidement favorable, en 1 à 2 jours, à l’arrêt de l’AINS. Hormis un patient, dont les symptômes se manifestaient quelques heures après chaque prise, les troubles sont apparus le plus souvent dans la semaine ou les semaines qui suivaient l’initiation du traitement. Des atteintes visuelles similaires avaient déjà été rapportées par l'OMS avec les inhibiteurs de la COX-2, mais également avec des AINS conventionnels non sélectifs de la COX-2 (diclofénac, ibuprofène et indométacine). Le mécanisme hypothétique de ces atteintes résiderait dans l'inhibition de la COX-1 et/ou la COX-2, avec comme conséquence une diminution de la synthèse de prostacycline et des autres prostaglandines vasoactives qui contrôlent le débit sanguin rétinien. BMJ 2003;327:1214-5 A suivre… ● Comme nous l’avions souligné dans lesBrèves n°4, l’utilisation de certains inhibiteursde la recapture de la sérotonine (fluoxétine,paroxétine) pendant la grossesse, ne semble pasexposer à un risque malformatif. Nous avionsnéanmoins précisé la nécessité d’une diminutionde la posologie au voisinage du terme, afin delimiter le risque de survenue d’un syndromesérotoninergique chez le nouveau-né. A cerisque, il convient d’ajouter un risquehémorragique, bien établi chez l’homme avecles IRS, qui impliquerait la propriété de cesproduits à inhiber la recapture de la sérotonineau niveau plaquettaire, diminuant de ce faitl'agrégation plaquettaire. Une observationrécente, d'hémorragie intra-ventriculaire,survenue chez un nouveau-né de mère traitée parparoxétine, vient d'être rapportée dans lalittérature. Ce nouveau-né, né à terme, avait reçude la vitamine K. Fait intéressant, lesconcentrations en sérotonine plaquettaire étaientbasses, à la fois chez la mère (93 ng/109plaquettes pour une normale > 400) et chez lenouveau-né (143 ng/109 plaquettes). Par ailleurs,des cas d’hématomes ont également été décritschez des nouveaux-nés exposés in utero à lafluoxétine. Ces données confirment doncl’intérêt de diminuer, ou si possible d’arrêter,un traitement par inhibiteur de la recapturede la sérotonineau cours du troisième trimestrede la grossesse.
Br J Clin Pharmacol 2003;56:581-582
Br J Psychiatry 2003;182:199-204.
● Classiquement, la prise de cyclines expose àun risque de dyschromie dentaire (colorationjaunâtre ou brunâtre des dents),vraisemblablement liée aux propriétéschélatrices du calcium de ces produits. Sil’exposition a lieu in utero, au deuxième outroisième trimestre de la grossesse, ce risqueconcerne les dents de lait. Si l’exposition a lieuchez l’enfant jusqu’à huit ans, ce risqueconcerne les dents définitives. La minocyclinese distingue dans sa classe par le fait que sa priseau long cours chez l’adulte (notamment dansl’acné) peut exposer à la survenue d’unecoloration dentaire grise à reflets bleutés, quine régresserait pas à l’arrêt du traitement. Cettecoloration serait liée cette fois aux propriétéschélatrices du fer de la minocycline.
Br J Dermatol 2003;149:237-9
L’Afssaps a récemment diffusé une lettre auxprofessionnels de santé sur la contre-indication detous les AINS, y compris les inhibiteurs« sélectifs » de la COX-2 et l’aspirine (à des doses≥ 500 mg/j), à partir du sixième mois degrossesse. Le rappel de cette contre-indication estmotivé par la notification régulière auprès desCRPVs de cas graves, parfois mortels, de toxicitéfoetale et/ou néonatale sous AINS (décompensationcardiaque par fermeture prématurée du canalartériel, insuffisance rénale), liée aux propriétésinhibitrices des AINS sur la synthèse desprostaglandines vasodilatatrices. La particularité decette information tient au fait que certaines de cesobservations sont apparues lors de prises trèsbrèves d’AINS (1 jour !). Par ailleurs, cesaccidents surviennent à posologie usuelle et sontd’autant plus graves que la prise de l’AINS estproche du terme.
http://agmed.sante.gouv.fr/htm/10/filltrpsc/indltrps.htm
Brev Pharmacovig 2004 avril-juin; 15 3
Vos questions :
Plusieurs questions nous ont été posées en cette période estivale concernant le risque d’une exposition au soleillorsque l’on prend un traitement par isotrétinoïne (ROACCUTANE) ? S’agit-il d’une simple précaution d’emploiou existe t’il réellement un risque ?
Une « susceptibilité » accrue au soleil a été rapportée dans certaines études chez 5 à 12% des patients traitéspar isotrétinoïne, avec des phototests n’ayant pas mis en évidence d’augmentation de susceptibilité pour les UVA ouUVB. A l’inverse, les cas de photosensibilité démontrés et publiés dans la littérature sont rares. Une observation estintéressante et pourrait éclairer sur un éventuel mécanisme photoallergique : il s’agit d’un patient âgé de 20 ans traitépar isotrétinoïne depuis un mois et qui a développé un rashérythémateux papuleux et vésiculeux 48 heures aprèsexposition au soleil ; chez ce patient, un mécanisme immunologique a été évoqué compte tenu de la présence d’IgEanti-isotrétinoïne dans les jours qui ont suivi la photoallergie, disparaissant trois mois plus tard (référence).
En ce qui concerne les cas déclarés au système national de pharmacovigilance, une enquête a été réalisée surles observations enregistrées jusqu’en mars 1998. Sur 385 dossiers d’effet indésirable analysés, 4 concernaient unephotosensibilité. Depuis 1998, 3 notifications supplémentaires de photosensibilité ont été retrouvées dans la basenationale de pharmacovigilance. Dans tous les cas, on observe une résolution des symptômes à l’arrêt del’isotrétinoïne.
Ainsi, le ROACCUTANE peut être responsable de rares réactions de « photosensibilité », impliquant peutêtre un mécanisme immunologique (photoallergie). Il paraît donc effectivement prudent, comme cela est souligné dansle dictionnaire Vidal, de conseiller aux patients traités par ROACCUTANE « d’éviter l’exposition prolongée ausoleil ou aux rayons UV et d’utiliser une crème solaire à haut coefficient de protection » si le traitement ne peut êtreinterrompu.
J Eur Acad Dermatol 1992 ;127 :447-8
Vos Observations :
Peut-on présenter une tendinite achilléenne en présence d’atorvastatine (TAHOR) ?
Les tendinopathies aux inhibiteurs de la HMG CoA-réductase (alias statines) sont des effets indésirables,certes décrits, mais exceptionnels. Une enquête sur ce sujet a été réalisée en France par le CRPV de Paris –HôpitalEuropéen Georges Pompidou, en novembre 2000, à partir des observations notifiées aux CRPVs et aux différentslaboratoires commercialisant des statines, du début de leurs commercialisations à la fin de l’année 1999. Ont étérapportés sur cette période, 52 cas avec la simvastatine (AMM en 1989), 28 avec la pravastatine (AMM en 1991), 4avec la fluvastatine (AMM en 1996), 7 cas avec la cérivastatine (AMM en 1998, retrait du marché en 2001) et 24 casavec l’atorvastatine (AMM en 1998). Soit un total de 115 observations de tendinopathies sous statines. Cestendinopathies concernent principalement des hommes (68%), d’âge moyen 50 ans (17-75) et sont des tendinites (92cas) et des ruptures (22 cas) ; un cas de claquage musculaire a également été pris en compte. Les tendinopathiesconcernent principalement le tendon d’Achille (60% des cas) mais également : quadriceps, épaule, biceps, coude,doigts… D’autres symptômes ostéo-musculaires peuvent être associés : myalgies, crampes, et/ou élévations des CPK(23 cas). L’analyse de ces données n’a pas permis de mettre en évidence de relation dose-effet. Les délais de survenuede ces atteintes sont très variables, de 8 jours à 10 ans. Toutefois, un quart des cas est apparu lors des deux premiersmois de traitement et près de la moitié sont rapportés dans les six premiers mois de traitement. Un patient sur deuxavait un ou plusieurs facteurs favorisants : antécédent de tendinite, pratique de sport ou exercice physique récent,pathologie rhumatismale associée (en particulier la goutte), hypercholestérolémie familiale et/ou association à desmédicaments connus pour leur toxicité ostéo-musculaire (fluoroquinolones, isotrétinoïne, glucocorticoïdes…).L’évolution a été le plus souvent favorable, avec toutefois des séquelles chez 9 patients ayant eu une rupturetendineuse. De façon intéressante, la réadministration de la même molécule a été réalisée dans 16 cas : elle s’estrévélée 12 fois positive (réapparition de la même symptomatologie) et 4 fois négative. L’incidence des cas déclarés detendinopathies en France, est de l’ordre de 1/100 000 années de traitement pour la simvastatine et la pravastatine, etde 1/20 000 années de traitement pour l’atorvastatine ; cependant, cette enquête basée sur la notification spontanée, nepermet en aucun cas de comparer le risque de tendinopathie entre les différentes statines. Par ailleurs, le mécanismede ces atteintes tendineuses n’est pas expliqué.
Devant une tendinopathie en présence de statine, l’arrêt du traitement et la mise au repos du tendon sontinitialement indispensables, associés à un rappel des règles hygiénodiététiques de la dyslipémie traitée. L’exclusion(ou le traitement) des facteurs co-favorisants s’impose. Le traitement ultérieur par un fibrate est possible. Lasubstitution d’une statine par une autre statine s’avère plus délicate en raison d’un effet de classe, doit amener à uneposologie initiale prudente, et nécessite une surveillance régulière du patient.
Brev Pharmacovig 2004 avril-juin; 15 4
Un enfant de 8 mois, vu en consultation de génétique, présente une craniosténose à type de trigonocéphalie (crâne en trèfle), par fermeture prématurée de la suture métopique. La nécessité d’une intervention chirurgicale correctrice s’impose en raison des anomalies prévisibles du développement cérébral. La maman de ce nourrisson avait pris pendant toute sa grossesse de la fluoxétine (PROZAC), du valpromide (DEPAMIDE) et de la thyroxine (LEVOTHYROX) en raison d’une dépression sévère et d’une hypothyroïdie.
Un patient, atteint de sclérose en plaques, est traité depuis 3 ans par interféron bêta-1a (AVONEX). Au moment de la mise en place de ce traitement, il avait présenté un syndrome pseudo-grippal, qui s’était amendé quelques mois plus tard. Depuis quelques temps, ce patient observe une réapparition du syndrome pseudo-grippal, coïncidant avec le changement de forme galénique d’AVONEX. Depuis octobre 2003, AVONEX est en effet commercialisé sous forme prête à l’emploi, impliquant une modification des excipients, alors qu’auparavant il s’agissait d’une forme lyophilisée à reconstituer.
Nos commentaires :
Nos commentaires :
Le valpromide (DEPAMIDE), mais aussi le DEPAKOTE (divalproate de sodium), tous deux indiqués dans le traitement des troubles bipolaires, génèrent dans l’organisme de l’acide valproïque. Or l’action tératogène de l’acide valproïque, utilisé dans le traitement de l’épilepsie sous sa forme commerciale DEPAKINE, est bien établie chez l’animal et l’homme.
Les syndromes pseudo-grippaux représentent un effet indésirable fréquemment rapporté au cours de la mise en place d’un traitement par interféron. Pour la majorité des patients, ces symptômes disparaissent lors de la poursuite du traitement, spontanément ou sous couvert d’un traitement symptomatique. La cause de ce syndrome reste inconnue. Sa réapparition au cours du traitement n’est par contre pas attendue.
Bien que les malformations les plus fréquemment décrites avec l’acide valproïque concernent les anomalies de fermeture du tube neural, on retrouve également dans la littérature quelques données concernant la fermeture prématurée de la suture métopique (suture qui unit les deux moitiés de l’os frontal). En particulier, une équipe INSERM a estimé, après une étude rétrospective de 2220 enfants nés avec une craniosténose, que la trigonocéphalie par fermeture prématurée de la suture métopique fait partie de l’embryopathie liée à l’acide valproïque ; en cas de trigonocéphalie sévère, une intervention dans les 6 mois qui suivent la naissance permet de limiter les conséquences cérébrales de la malformation (référence).
Plusieurs appels au CRPV ont pourtant mentionné la possibilité d’une réapparition d’un syndrome pseudo-grippal avec la nouvelle forme galénique d’AVONEX. De telles constatations ont également été faites par d’autres CRPVs. Le laboratoire BIOGEN, qui commercialise l’AVONEX, a également eu connaissance de plusieurs cas de réapparition ou même d’aggravation de syndromes pseudo-grippaux depuis le remplacement de la forme lyophilisée par la forme prête à l’emploi, et précise que ce même phénomène est également décrit lors du passage d’un interféron bêta-1a à un autre (AVONEX, BETAFERON, REBIF).
Pour la majorité des patients, ces troubles régressent là encore spontanément ou avec l’aide d’un traitement symptomatique. Cependant, il existe quelques rares cas où aucune amélioration des symptômes n’est observée. Se pose alors le problème du passage d’un interféron bêta-1a à un autre ou, en dernière extrémité, du maintien du même traitement à dose réduite (mais sans démonstration d’efficacité !).
Par ailleurs, dans la base nationale de pharmacovigilance, sont retrouvées 19 observations de malformations de la face et/ou du crâne sous acide valproïque, dont 2 cas de trigonocéphalie et deux de craniosténose sans précision sur le type.
Au vu de ces données et bien que ces observations soient exceptionnelles, on ne peut donc pas écarter la responsabilité de la prise de DEPAMIDE au cours de cette grossesse, pour expliquer la survenue de la craniosténose chez cet enfant.
J Neurosurg 2001;95:778-82