Brèves en pharmacovigilance n°16
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Brèves en Pharmacovigilance
Numéro 16, avril-juin 2005
SOMMAIRE
Editorial
Anti-TNFα et risque infectieux
Littérature
Statines et tératogénicité
A suivre…
Nicorandil et ulcération anale
Vos questions
Interaction paracétamol / AVK
Pergolide et valvulopathies
Vos observations
Acide zolédronique et ostéo-nécrose
Ont participé à la réalisation
de ce numéro :
A.Bultot
B. Bro
C. Capele
J. Caron
J. Dekemp
S. Gautier
I. Masse
J. Pamart
H. Théry
Editorial :
Anti-TNFα et risque infectieux : réagir vite et notifier !
Trois anti-TNFα sont disponibles en France : 2 anticorps monoclonaux duTNFα [infliximab (REMICADE) et adalimumab (HUMIRA)] et 1 récepteur soluble du TNFα [étanercept (ENBREL)]. Ces médicaments, à prescription initialehospitalière, ont des indications précises en rhumatologie et en gastro-entérologie, et bénéficient de modalités de prescription et de délivrance particulières s’élargissantprogressivement aux spécialistes de ville.
Les anti-TNFαexposent à un risque d’infections opportunistes,principalement de tuberculose où l’on sait que le TNFα joue un rôle clé dans la formation et le maintien du granulome tuberculoïde qui contrôle l’infection. Il s’agit le plus souvent de réactivations de tuberculose latente, survenant dans 60% des cas aucours des deux premiers mois de traitement, avec des tableaux cliniques detuberculose souvent extrapulmonaire ou miliaire. Les cas de tuberculose notifiés en pharmacovigilance sont par ailleurs nettement plus nombreux avec l’infliximabqu’avec l’étanercept, ce qui pourrait s’expliquer par les mécanismes d’actiondifférents de ces deux anti-TNFα. En l’absence de traitement par anti-TNFα, l’incidence de la tuberculose chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde nesemble pas différente de celle de la population générale. Par contre, il a été calculé enEspagne que le risque de tuberculose était multiplié par 20 en présence d’infliximab (1) et était de 52,5 cas de tuberculose/100000 patients-années d’exposition à l’infliximab aux Etats-Unis d’Amérique versus 6/100000 individus dans la populationgénérale (2). D’autres infections opportunistes peuvent également survenir (listériose, candidose, aspergillose, pneumocystose …).
Le risque d’infections bactériennes graves (arthrites septiques, septicémies,méningites, infections bronchopulmonaires ou des voies urinaires…) en présenced’anti-TNFα est plus discuté. Les essais cliniques contrôlés suggèrent que ce risque n’est pas augmenté par l’utilisation des anti-TNFα et les patients atteints depolyarthrite rhumatoïde ou de maladie de Crohn, en l’absence de traitement par anti-TNFα, ont par ailleurs un risque accru d’infections bactériennes graves par rapport à la population générale. Il n’en reste pas moins vrai que des cas d’infectionsbactériennes graves survenant peu après la mise en route d’un traitement par anti-TNFα sont régulièrement publiés et rapportés en pharmacovigilance, que les études contrôlées n’ont peut-être pas la puissance nécessaire pour mettre en évidence cerisque, et que les études comparant l’incidence des infections bactériennes gravesavant et après l’arrivée des anti-TNFα ont des résultats discordants (3). C’est dire, même si ce risque infectieux est signalé dans les monographies des anti-TNFα, que nous avons besoin de vos notifications !
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Brev Pharmacovig 2005 avril-juin; 16 1
Brev Pharmacovig 2005 avril-juin; 16 2
Editorial (suite)
Un de nos correspondants, rhumatologue dans le Pas de Calais, s’inquiète d’une sous estimation durisque infectieux lié à la banalisation des traitements par anti-TNFα. Nous partageons cet avis et profitons de cetéditorial pour souligner, certes l’importance du bilan infectieux préalable avant d’instaurer un traitement paranti-TNFα, mais aussi la nécessité d’un suivi attentif des patients traités, d’un bilan rapide en cas de syndromeinfectieux, et d’une coopération entre médecin traitant et spécialiste concernant l’arrêt éventuel de l’anti-TNFα.
(1) J Rheumatol 2003;30:1436-9
(2) Arthritis Rheum 2004;50:372-9
(3) Ann Rheum Dis 2004;63:1538-43
Brèves de la Littérature :
(les biais peuvent en effet être nombreux, l’incidence notablement surévaluée …). Aussi, les auteurs soulignent-ils que seules des études épidémiologiques pourraient confirmer ce risque. La prudence s’impose néanmoins et, comme conseillé dans le dictionnaire Vidal pour plusieurs statines, « il n’y a pas d’indication à la prescription d’inhibiteurs de la HMG coenzyme A réductase pendant la grossesse » et « le traitement doit être arrêté lors de la découverte d’une grossesse survenant en cours de traitement ».
Et si les statines étaient tératogènes chez l’homme ?
C’est la question que se pose une équipe de chercheurs américains, après avoir étudié de façon rétrospective 214 cas de grossesses exposées à une statine pendant le premier trimestre de la grossesse et rapportés à la FDA (1). Après avoir exclu les observations d’avortements spontanés ou volontaires, celles liées à la pathologie maternelle ou à une anomalie génétique, les pathologies néonatales, les anomalies du développement cérébral et les grossesses perdues de vue, 70 cas ont été retenus. Parmi ces observations, 16 enfants étaient porteurs d’une malformation. Chez 5 enfants, l’anomalie se situait au niveau du système nerveux central et chez 5 autres au niveau des membres, 2 de ces enfants présentant une association plurimalformative de type VACTERL (Vertebral, Anal, Cardiac, Tracheo-oesophagial, Renal, Limb). Les 6 autres malformations consistaient en 2 fentes palatines, 2 fentes labiales, 2 atrésies intestinales. Il est par ailleurs souligné par les auteurs que ces données sont concordantes avec les données animales : à savoir un risque embryotoxique sur le squelette et le système nerveux central, possiblement lié à la modification de la biosynthèse du cholestérol.
(1) Am J Med Genet 2004 ;131A :287-98
(2) N Engl J Med 2004;350:1579-82
A suivre…
Des ulcérations péri-anales sont décrites avecle nicorandil (IKOREL, ADANCOR), ouvreurdes canaux potassiques ATP-dépendants (maisaussi dérivé nitré !), indiqué dans le traitementde l’angine de poitrine (1). Une publicationrécente rapporte le cas d’un homme de 59 ans,souffrant de cardiopathie ischémique, traité pardu nicorandil depuis 3 ans, chez qui sontapparues, quelques semaines aprèsl’introduction du nicorandil, des ulcérationspéri-anales qui ont persistées malgré des soinslocaux adaptés (2). Seul l’arrêt du nicorandil apermis (3 ans après !) la cicatrisation complètede ces ulcérations en 3 mois. Quelques cas sontégalement présents dans la base nationale desCRPV. A coté des classiques observationsd’aphtes ou d’ulcérations buccales en présencede nicorandil existe donc la possibilitéd’ulcérations périanales, déjà signalées dans leRCP du nicorandil… mais auxquelles on nepense pas toujours !
(1) Lancet 2002; 360:546-7
(2) Br J Dermatol 2004; 150: 394-5
Dans tous ces cas, il s’agissait d’une exposition à une statine lipophile, dont on sait qu’elles sont retrouvées au niveau de l’embryon à des concentrations similaires à celles du plasma maternel. Ces auteurs, dans un article précédent, avaient noté que, chez 14 enfants exposés in utero à la pravastatine (statine hydrophile), aucune malformation n’avait été retrouvée (2).
Il faut bien entendu, et comme souvent, relativiser ces données, car une étude rétrospective, à partir de la notification spontanée, ne permet en rien d’établir un lien entre prise de statine et tératogenicité
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Vos questions :
Interaction paracétamol et antivitamines K (AVK)
De nombreuses précautions sont à prendre lors d’un traitement par AVK : éviter une alimentation richeen vitamine K, se méfier des atteintes hépatiques sévères perturbant la synthèse des facteurs de coagulationvitamine K dépendants, et enfin connaître les nombreuses interactions médicamenteuses susceptibles dedéséquilibrer le traitement anticoagulant. Une question revient souvent dans vos appels au CRPV, qui concerneune éventuelle interaction entre le paracétamol et les AVK.
La réponse à cette question a longtemps été que si interaction il y avait, celle-ci semblait négligeable enpratique. Les quelques cas rapportés dans la littérature, confrontés à la consommation massive du paracétamol,et les résultats des études cliniques, le plus souvent rétrospectives et contradictoires, ne plaidaient pas en faveurd’une interaction cliniquement significative. Cela semblait d’autant plus vrai que les cas rapportés étaientsouvent décrits chez des sujets âgés porteurs de pathologies rhumatismales et inflammatoires susceptibles, pardes modifications des protéines plasmatiques liées à l’inflammation, ou par des prises intempestives d’AINS, dedéséquilibrer l’INR.
Cependant, des publications récentes concernant ce sujet amènent à revoir cette réponse. Une premièrepublication est une étude clinique prospective, randomisée, réalisée en double insu, concernant 11 patients traitésde façon chronique par warfarine, avec INR stables (1). Ces patients ont reçu, successivement et de façoncroisée, du paracétamol à raison de 4 grammes par jour pendant 14 jours et un placebo pendant 14 jours. Cespériodes de traitement étaient séparées par un wash out de 14 jours. Dans cette étude, peu critiquable,l’association paracétamol/warfarine entraîne, au bout de 4 jours, une augmentation significative de l’INR parrapport au placebo (1,04 ± 0,55 versus 0,2 ± 0,32, p=0,003).
La deuxième étude est expérimentale, réalisée in vitro. Elle s’intéresse au mécanisme de l’interactionparacétamol/warfarine. Sans rentrer dans les détails, cette étude met en évidence le rôle potentiel du métabolitetoxique du paracétamol, la N-acétyl-parabenzoquinone imine (NAPQI). Cette NAPQI, très électrophile, est chezle sujet sain, produite en faible quantité (<5%) par le cytochrome P-450 et immédiatement détoxifié au niveaudu foie par le gluthation en réserve. Clairement impliquée dans la toxicité hépatique et rénale du paracétamolobservée lors d’un surdosage (par sa nature électrophile), cette NAPQI inhibe également les enzymesintervenant dans le métabolisme de la vitamine K (la gamma carboxylase vitamine K-dépendante et la vitamineK époxyde réductase), potentialisant ainsi l'effet de l’AVK. Rappelons en effet que le métabolisme de lavitamine K chez l’homme conduit à la vitamine K1 qui est un cofacteur essentiel de la gammacarboxylase,essentielle à l’activité des facteur II, VII, X et IX (les fameux facteurs « vitamine K-dépendants »).
Tout situation clinique limitant la détoxification parl’organisme de la NAPQI par le gluthation seraitdonc susceptible de favoriser la survenue de l’interaction paracétamol/AVK (ce serait notamment le cas chez lesujet âgé et/ou dénutri). Par ailleurs, l’interaction serait d’autant plus susceptible de se manifester que letraitement par le paracétamol est à posologie élevée (3-4 grammes par jour) et durable (4 jours ou plus). Dansces circonstances, il semble donc souhaitable de surveiller l’INR du patient.
Ces précisions étant apportées, il n’en reste pasmoins vrai que le paracétamol reste l’antalgique àutiliser en cas de traitement par AVK.
(1) Br J Clin Pharmacol 2004 ;59 :371-4 ; (2) Thromb Haemost 2004 ;92 :797-802
Pergolide et risque de valvulopathies
Plusieurs observations de valvulopathies cardiaques, apparues chez des patients traités par pergolide(CELANCE) pour une maladie de Parkinson nous ont été signalées par des neurologues de notre région.
Le pergolide (CELANCE) est un agoniste dopaminergique et sérotoninergique, dérivé de l’ergot de seigle,indiqué dans la maladie de Parkinson en monothérapie ou en association à la lévodopa. Depuis 2002 ont étépubliées dans la littérature médicale des observations de valvulopathies cardiaques sous pergolide. Des étudespharmacoépidémiologiques (1, 2) confirment par ailleurs ce risque et retrouvent, en cas d’exposition aupergolide, des risques relatifs élevés de valvulopathie, d’interprétation toutefois délicate en raison desméthodologies discutables de ces études. Ces valvulopathies, qui se traduisent échographiquement par un
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épaississement des valves, restent le plus souvent asymptomatiques et découvertes alors par l’auscultationcardiaque. Ces atteintes touchent principalement les valvules mitrales et/ou aortiques, mais sont aussi souventpolyvalvulaires pouvant également intéresser la tricuspide. Une amélioration clinique peut être constatée àl’arrêt du pergolide, sans que l’on sache si l’atteinte valvulaire régresse de façon concomitante.
Ces valvulopathies au pergolide s’intègrent dans le cadre plus large des valvulopathies aux dérivés de l’ergotde seigle, décrites avec l’ergotamine et le méthysergide. Plus généralement des cas de fibrose(pleuropulmonaire, péricardiaque et rétropérintonéale)sont signalés avec certains dérivés ergotés agonistessérotoninergiques. Des atteintes valvulaires ont par ailleurs été décrites avec les anorexigènes sérotoninergiques(fenfluramine et dexfenfluramine, retirées du marché en 1997).
Ainsi, le mécanisme de ces valvulopathies (ou de ces fibroses) pourrait s’expliquer par la stimulation derécepteurs sérotoninergiques. Ce mécanisme peut être rapproché de certaines données expérimentales mettant enévidence un effet stimulant de la sérotonine sur la prolifération des fibroblastes in vitro, un effet fibrosant chezl’animal in vivo, et de données cliniques puisque les valvulopathies du coeur droit sont un élément classique dutableau du carcinoïde du grêle, expliqué (entre autres) par une sécrétion accrue de sérotonine par la tumeur.
Une réévaluation du bénéfice/risque du pergolide a donc conduit l’Afssaps à redéfinir les indications et lesmodalités du traitement par pergolide. Désormais, CELANCE ne doit être utilisé qu’après échec des autresagonistes dopaminergiques, ne peut être prescrit que par un neurologue, après un bilan cardiologique incluantune échocardiographie. Le patient devra par ailleurs être suivi tous les 6 à 12 mois durant la période detraitement.
(1) Lancet 2004 ;363 :1179-83 ; (2) Neurology 2004 ;63 :301-4
Vos Observations :
maligne, et 7 traités par voie orale pour une ostéoporose. L'ostéonécrose était le plus souvent mandibulaire (40 patients), parfois bilatérale. Les biphosphonates concernés dans cette étude étaient l'acide pamidronique (47 patients), l'acide zolédronique (23 patients dont 14 ayant reçu aussi l'acide pamidronique), l'acide alendronique (6 patients dont 1 ayant aussi reçu l'acide zolédronique) et l'acide résidronique (1 patient). Un rapport du système australien de pharmacovigilance précise que, si les extractions dentaires et autres chirurgies buccales ont pu précipiter l’apparition de l’ostéonécrose, des cas d’ostéonécrose survenant indépendamment d’une chirurgie buccale (comme c’est le cas dans notre observation) sont également présent (2).
Acide zolédronique et nécrose mandibulaire
Un homme de 80 ans, porteur d’un myélome multiple diagnostiqué en 1998 et en rémission depuis 1999, traité initialement par l’acide pamidronique (AREDIA), reçoit depuis octobre 2002 par voie intraveineuse toutes les 6 semaines de l’acide zolédronique (ZOMETA®). Le patient est par ailleurs traité par PREVISCAN, HEMIGOXINE et EFFEXOR pour une arythmie complète par fibrillation auriculaire et pour des antécédents de syndrome dépressif. En février 2004 apparaissent des douleurs dentaires au niveau de l’arcade alvéolaire inférieure gauche. Une nécrose localisée mandibulaire gauche est diagnostiquée en avril 2004 et amène à deux avulsions dentaires. Les biopsies de la lésion mandibulaire éliminent un processus d'ostéolyse lié au myélome et oriente vers un granulome inflammatoire simple. Aucune radiothérapie n’était antérieurement intervenue au niveau de la mandibule. La responsabilité médicamenteuse de ZOMETA® est suspecté par le médecin hématologiste qui arrête le traitement le 24 août 2004. Localement, au niveau mandibulaire, une guérison intervient quelques mois après cet arrêt.
Bien que la causalité ne soit pas établie avec certitude en raison des facteurs de risque d’ostéonécrose retrouvés chez ces patients (diagnostic de cancer, chimiothérapie ou radiothérapie ou corticothérapie parfois concomitantes, infections, mauvaise hygiène buccale ..) la prudence amène à conseiller une bonne hygiène buccale, en cas de traitement par biphosphonates et à éviter, quand cela s’avère possible, toute chirurgie dentaire.
(1) J Oral Maxillofac Surg 2004 ;62 :527-34
(2) MJA 2005 ;182 :417-8
Nos commentaires :
Une publication nord-américaine fait état, dans un service de chirurgie maxillofaciale, du recensement de 63 patients, adressés entre 2001 et 2003, avec un diagnostic « d’ostéomyélite » réfractaire au traitement antibiotique et à une procédure de débridement conservateur (1). 54 patients avaient été traités pendant 6 mois à 4 ans par des biphosphonates en intraveineux pour une affection
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