Brèves en pharmacovigilance n°23
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Brèves en Pharmacovigilance
Numéro 23, janvier – juillet 2008
SOMMAIRE
Editorial
Contre-Indication absolue entre les vasoconstricteurs
Littérature
Traitements anticoagulants et antibiotiques : une interaction négligée ?
A suivre…
Ethanol dans certains génériques
Perte brutale de l’audition sous inhibiteurs de la phosphodiestérase
Vos questions
Olmisartan et grossesse
Vos observations
Escitalopram et Oméprazole : IAM
Fondaparinux : restez vigilants
Ont participé à la réalisation
de ce numéro :
J. Caron
S. Gautier
S. Deheul
J. Dekemp
M. Devémy
M. Coussemacq
C. Legros
G. Personne
C. Peinte
J. Pamart
Editorial : La contre indication absolue entre les vasoconstricteurs à visée
décongestionnante nasale n’est pas respectée.
Les vasoconstricteurs à visée décongestionnante nasale sont des sympathomimétiques
alpha-adrénergiques qui ont fait, ces dernières années, l’objet d’un suivi en
pharmacovigilance, ayant mené aux décisions suivantes :
– la disparition de la phénylpropanolamine des différentes spécialités, en raison d’un risque
avéré d’accident vasculaire cérébral (AVC) hémorragique, plus important avec ce produit
qu’avec les autres sympathomimétiques.
– l’apparition en 2005 d’une contre-indication à leur association, quelque soit leur voie
d’administration (orale ou nasale), afin d’éviter d’additionner leurs effets vasoconstricteurs.
Or, une étude URCAM réalisée dans le Nord-Pas de Calais par l’échelon local du Service
Médical de Roubaix a relevé, pour le seul mois de février 2007, 16777 ordonnances
comportant cette contre indication absolue.
Pour rappel, les sympathomimétiques utilisés dans les affections rhinopharyngées
aiguës sont administrés par voie orale ou par voie nasale. Les spécialités utilisées par voie
orale sont la pseudoéphédrine (RHINADVIL®, RHINUREFLEX®, SUDAFED®, ACTIFED®,
HUMEXRHUME®…) et la phényléphrine (HEXARHUME®), celles utilisées par voie nasale
sont l’éphédrine (RHINOSULFURYL®), la naphazoline (DERINOX®), l’oxymétazoline
(ATURGYL®, DETURGYLONE®), et le tuaminoheptane (RHINOFLUIMICIL®).
Or, non seulement l’association de ces deux voies d’administration ne garantit pas
plus d’efficacité, mais elle peut aussi majorer le risque de vasoconstriction artérielle. En effet
le passage systémique des vasoconstricteurs utilisés par voie nasale n’est pas négligeable. Ces
produits peuvent donc conduire chez le sujet prédisposé, en quelques heures à quelques jours,
à des évènements indésirables à type de palpitations, de tachycardie, mais aussi de poussées
hypertensives et dans des cas exceptionnels d’AVC, de crises angineuses ou d’infarctus du
myocarde.
Le risque de vasoconstriction est donc bien réel et justifie à la fois :
– une utilisation prudente de ces produits. Les sympathomimétiques à visée
décongestionnant nasale, quelque soit leur voie d’administration, sont en effet utilisé
pour le traitement symptomatique d’une pathologie bénigne et transitoire : le rhume !
La solution de sagesse, sauf cas exceptionnel, est de ne pas prescrire ou conseiller ces
vasoconstricteurs dans ces circonstances banales de « nez bouché ». Dans les rares
cas où l’on aura recours à ces produits, un respect strict des posologies, de la durée
de traitement et des mises en garde, notamment en cas d’HTA, est nécessaire.
– et de garder en mémoire :
o qu’il n’est pas toujours facile de repérer la présence d’un vasoconstricteur à
visée décongestionnante nasale dans certaines spécialités administrées par
voie orale et qui contiennent des antipyrétiques ou des antitussifs ;
o qu’un patient peut utiliser ces vasoconstricteurs dans le cadre d’une
prescription médicale, mais aussi après conseil auprès d’un pharmacien ou
même en automédication ;
o qu’en terme d’interaction, une nécessaire enquête est donc obligatoire
auprès de toute personne à qui l’on prescrit ou conseille ces produits, pour
ne pas associer ces vasoconstricteurs par une même voie ou par des voies
différentes, orale et nasale
Brev Pharmacovig 2008 ; janvier – juillet ; 23 2
Brèves de la Littérature :
Traitements anticoagulants et
antibiotiques : une interaction négligée ?
Dix ans après la première étude EMIR
(Effets Indésirables : Incidence et Risques) menée
en France par le réseau des CRPV, la deuxième
édition de cette étude confirme que les hémorragies
liées aux traitements par AVK restent la première
cause d’accident iatrogène conduisant à
l’hospitalisation1. Plusieurs facteurs peuvent
expliquer la persistance de ce résultat malgré les
nombreuses actions réalisées auprès des patients et
prescripteurs. Ainsi, en pratique médicale courante,
les patients passeraient près de 40 % du temps avec
un INR en dehors de l’intervalle thérapeutique2. Et
selon une méta-analyse canadienne regroupant 45
études publiées et un total de 71 065 patients, la
simple surveillance de l’INR et son maintien dans
la fourchette thérapeutique suffirait à diviser par
deux les risques hémorragique et/ou
thromboembolique3.
Bien que restant discutée, une
augmentation de l’activité des anticoagulants oraux
a été relevée chez de nombreux patients recevant
des antibiotiques4. Les antibiotiques à large spectre
sont notamment suspectés de pouvoir induire cet
effet car, en détruisant partiellement la flore
intestinale, ils réduisent la production endogène de
vitamine K par cette même flore.
Au Royaume-Uni, une étude5 a été réalisée
afin de déceler les principaux antibiotiques en
cause dans la modification de l’INR. Ainsi, pour
l’acénocoumarol (SINTROM®), les antibiotiques
entraînant un plus grand risque de déséquilibre de
l’anticoagulation sont le cotrimoxazole, la
clarithromycine, l’amoxicilline et la norfloxacine.
L’augmentation de l’effet anticoagulant peut être
décelé dans les 3 jours suivant l’association.
Les recommandations françaises
mentionnent que pour tous les anticoagulants
oraux, les antibiotiques les plus impliqués dans le
déséquilibre d’un traitement sont les
fluoroquinolones, les macrolides (sauf la
spiramycine), les cyclines, le cotrimoxazole,
certaines céphalosporines (notamment la
ceftriaxone) et des antituberculeux (rifampicine et
rifabutine).
Par conséquent, dans une situation aussi
banale que celle d’un patient traité par un
anticoagulant oral chez qui un traitement
antibiotique est nécessaire, il est raisonnable et
recommandé de réaliser un INR 3 à 4 jours après
la modification du traitement (introduction,
changement de posologie ou retrait d’un
antibiotique) en vue d’une éventuelle adaptation
de la posologie de l’AVK. Cette pratique, pas
encore systématique, semble prudente.
1 Commission nationale de pharmacovigilance. Compte-rendu de la
séance du 25 mars 2008.
http://agmed.sante.gouv.fr/htm/1/indcom.htm
2 Mahé I, Bal dit Sollier C, Duru G, Lamarque H, Bergman JF,
Drouet L. Résultats français de l’étude internationale ISAM chez
des patients ayant une fibrillation auriculaire. Presse Med 2006 ;
35 : 1797 – 1803
3 Oake N, Fergusson DA, Forster AJ, van Walraven C.
CMAJ. 2007 Aug 14;177(4):377. Frequency of adverse events in
patients with poor anticoagulation: a meta-analysis.
4 http://afssaps.sante.fr/pdf/10/rcpavk.pdf
5 Baglin T. Avoiding overanticoagulation: knowing your antibiotics.
Thromb Haemost. 2002;88:703-4.
A suivre…
Un pharmacien d’officine, lors d’une question
posée à notre CRPV, a soulevé le problème de la
présence d’éthanol (excipient à effet notoire) dans
certains génériques susceptibles d’être prescrits au
cours la grossesse, alors que le princeps n’en contient
pas. A l’heure du « zéro alcool » chez la femme
enceinte et des logos dissuasifs sur les produits
contenant de l’alcool, la substitution par des
génériques contenant de l’éthanol, même si les
quantités sont très faibles, semble en effet
contradictoire…
A la suite de la déclaration de 29 cas de perte
brutale de l’audition sous inhibiteurs de la
phosphodiestérase de type 5 (sildénafil, vardénafil,
tadalafil), la Food and Drug Administration (FDA) a
émis un communiqué pour informer les praticiens et
les patients de ce risque et de la conduite à tenir en cas
de survenue de troubles auditifs : arrêter le traitement
(sauf dans l’indication de l’hypertension artérielle
pulmonaire) et consulter rapidement un médecin. Dans
la plupart des cas, l’hypoacousie, parfois accompagnée
de vertiges et/ou d’acouphènes, est unilatérale et
réversible à l’arrêt du traitement et le phénomène ne
semble pas être dose-dépendant.
www.fda.gov/bbs/topics/NEWS/2007/NEW01730.htm
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Brev Pharmacovig 2008 ; janvier – juillet ; 23 3
Vos questions :
A propos d’un cas d’anamnios d’évolution fatale
chez une femme enceinte recevant de
l’olmisartan.
Une échographie pratiquée à 23 semaines
d’aménorrhée (SA) chez une femme enceinte
révèle un important retard de croissance intra-utérin
du foetus avec oligoamnios. Dans les semaines qui
suivent, l’insuffisance de liquide amniotique se
majore amenant à un anamnios et une interruption
médicale de grossesse (IMG) est décidée et réalisée
lors de la 29ème SA. Le bébé, qui décède très
rapidement après la naissance, présente un retard de
croissance important, associé à de multiples
anomalies et plus particulièrement une déformation
faciale (faciès de Potter), des pieds bots, une
hypoplasie pulmonaire marquée, une hypotrophie
des hémisphères cérébraux avec un retard de
gyration cérébrale.
La patiente n’avait signalé dans un premier temps
qu’un traitement au long cours par du bisoprolol
(LODOZ®) pour une hypertension artérielle puis,
au moment de l’IMG, a ajouté trop tardivement
qu’elle prenait aussi de l’olmisartan (ALTEIS®)
depuis plusieurs années.
Nos commentaires :
Le bisoprolol est un bêtabloquant dont l’utilisation
par la femme enceinte n’a jamais révélé d’effets
malformatifs. Les bêta-bloquants sont d’ailleurs un
traitement de choix de l’hypertension artérielle
chez la femme enceinte, en privilégiant si possible
néanmoins, les molécules pour lesquelles on
possède le plus de recul et d’expérience au cours
de la grossesse, notamment le labétalol.
En revanche l’olmisartan, antagoniste des
récepteurs de l’angiotensine II, est comme toutes
les molécules de cette classe thérapeutique
formellement contre indiqué au cours du 2ème et
3ème trimestre de la grossesse. En effet, les
inhibiteurs de l’angiotensine II (sartans) comme
les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC)
sont foetotoxiques et peuvent entraîner chez le
foetus une insuffisance rénale avec anurie foetale
parfois irréversible et fatale. L’oligoamnios (voire
l’anamnios) qui en résulte est à l’origine d’une
hypoplasie pulmonaire et de compressions du foetus
expliquant les déformations observées au niveau
entre autres, du crâne, de la face, des membres et
des extrémités.
Cette contre indication a déjà fait l’objet, en 2003,
d’une lettre d’information adressée aux
professionnels de santé. Pourtant, chaque année,
des cas de foetotoxicité grave aux sartans (et aux
IEC) sont déclarés aux CRPV en raison de la
poursuite de traitement au-delà du 1er trimestre…
L’Agence Européenne vient de publier (28 avril
2008) un point sur ces 2 classes thérapeutiques
(concernant 71 médicaments commercialisés)
qui, en plus de la contre indication absolue au
2ème et 3ème trimestre de la grossesse, déconseille
leur utilisation au cours du 1er trimestre en
raison d’une étude (non confirmée à ce jour) qui
a mis en évidence une légère augmentation des
malformations cardiaques chez des bébés
exposés.
Ces données ont été reprises lors d’un
communiqué de presse de l’Afssaps, qui
adressera par ailleurs prochainement une lettre
aux prescripteurs pour les informer et rappeler
les règles de prescription au cours de la
grossesse avec ces deux classes d’antihypertenseurs.
En attendant ce courrier, il nous parait donc
important de rappeler les éléments suivants :
– Si une grossesse est découverte chez une
femme traitée par un IEC ou un sartan,
la substitution par un autre traitement
antihypertenseur doit donc être
envisagée le plus tôt possible (rappelons
à ce titre que les éléments concernant
l’exposition au 1er trimestre n’ont pas été
confirmés à ce jour et qu’il ne faut pas à
notre avis alarmer une femme exposée
accidentellement en début de grossesse).
– Si une femme traitée par IEC ou sartans
désire une grossesse, l’idéal est de
substituer le traitement avant de débuter
cette grossesse.
Vos Observations :
Possible interaction entre escitalopram et
oméprazole
Une patiente âgée de 64 ans traitée depuis mai
2007 par l’escitalopram (SEROPLEX®) présente
des épisodes de transpiration excessive peu après
l’instauration d’un traitement par l’oméprazole
(MOPRAL®). A l’arrêt de l’oméprazole, les
symptômes régressent rapidement.
Nos commentaires
L’escitalopram est un antidépresseur inhibiteur
sélectif de la recapture de la sérotonine (ISRS).
Lors de l’instauration d’un traitement par un
ISRS, l’hypersudation est un évènement
indésirable fréquemment décrit, mais qui
Brev Pharmacovig 2008 ; janvier – juillet ; 23 4
s’estompe le plus souvent en fréquence et en
intensité dès la 3ème semaine de traitement.
L’oméprazole est un inhibiteur de la pompe à
proton (IPP) exceptionnellement impliqué dans la
survenue d’hypersudation.
Le métabolisme de l’escitalopram implique
essentiellement la voie de l’isoenzyme 2C19 du
cytochrome P450 (CYP2C19) et dans une moindre
mesure celle des isoenzymes CYP3A4 et CYP2D6.
L’oméprazole est, d’un point de vue
pharmacocinétique, inhibiteur du CYP2C19 et peut
donc être à l’origine d’une augmentation des
concentrations plasmatiques des molécules
utilisant cette voie métabolique. Ainsi, une étude
relative à l’impact de la cimétidine et de
l’oméprazole sur la pharmacocinétique de
l’escitalopram (administré à la posologie de 20
mg/j) a montré que l’administration d’oméprazole
à la posologie de 30 mg/j entraînait une
augmentation significative d’environ 50% des
concentrations plasmatiques d’escitalopram, sans
toutefois de traduction clinique significative chez
les 16 patients de cette étude.
Aussi, la prudence est recommandée en cas
d’association d’escitalopram avec des inhibiteurs
du CYP2C19 (dont l’oméprazole, l’ésoméprazole,
le lanzoprazole pour la famille des IPP) et une
diminution de la posologie de l’escitalopram peut
s’avérer nécessaire en fonction de la survenue
d’effets indésirables au cours du traitement.
Dans ces conditions, on ne peut exclure dans cette
observation la responsabilité d’une interaction
médicamenteuse entre oméprazole-escitalopram
entraînant une augmentation des concentrations
d’escitalopram avec une augmentation de ses effets
indésirables, ici représentés par une hypersudation.
Br J Clin Pharmacol. 2005 Sep ; 60(3).
Fondaparinux (ARIXTRA®) : restez vigilants
Depuis maintenant quelques années, le
fondaparinux est utilisé dans la prévention des
évènements thromboemboliques en chirurgie
orthopédique et abdominale, en prévention ou en
traitement chez les patients à haut risque
d’évènements thrombo-emboliques veineux et dans
l’infarctus du myocarde. Le fondaparinux est un
inhibiteur du facteur X activé (comme les héparines
de bas poids moléculaires – HBPM), obtenu par
synthèse, ce qui permet de pallier les problèmes de
matière première et de risque infectieux
hypothétique. Sa commercialisation fait l’objet
d’un suivi particulier puisqu’au cours du
développement, une étude de phase III avait montré
un risque hémorragique un peu plus élevé en cas de
traitement prolongé par fondaparinux alors que
l’efficacité était comparable à celle de l’HBPM.
Le service médical rendu avait donc été jugé
important par la Commission de la Transparence
mais l’amélioration du service médical rendu
(ASMR) difficile à cerner.
A la suite des notifications d’accidents
hémorragiques sous fondaparinux en France,
l’Afssaps a reprécisé dans une lettre aux
prescripteurs en 2007, le bon usage de ce
médicament, et notamment ses indications et les
facteurs de risque hémorragique avec ce produit
puisque les accidents hémorragiques étaient
survenus, dans un tiers des cas, lors d’une
utilisation hors AMM du fondaparinux ou sans
prise en compte des facteurs de risque (sujet âgé
de plus de 75 ans, faible poids corporel,
insuffisance rénale)
(www.agmed.sante.gouv.fr/htm/10/filltrpsc/lp070
603.pdf).
Depuis la parution de cette lettre en mars
2007, une quinzaine de cas d’hémorragies
survenant sous fondaparinux sont parvenus au
CRPV de Lille. Ces cas sont tous graves,
conduisant à des hospitalisations, surviennent
pour la plupart chez des patients âgés (dont la
fonction rénale n’a pas toujours été évaluée),
avec des durées de traitement longues (sur
plusieurs semaines) et parfois dans le cadre
d’erreurs posologiques et d’indications pas
toujours justifiées.
Nous ne pouvons donc que recommander
de rester vigilant lors de la prescription de ce
produit.
Si vous observez un effet indésirable grave et/ou inattendu
ou
si vous désirez un renseignement sur un médicament :
N’hésitez pas à nous contacter :
: 03-20-96-18-18
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: crpv@chru-lille.fr
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