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Brèves en Pharmacovigilance
Numéro 24, août – octobre 2008
SOMMAIRE
Editorial

LEMP sous immunosuppresseurs
Littérature
Etude EMIR 2008 sur les hospitalisations liées à un effet indésirable médicamenteux
A suivre…
Vos questions
Champix et troubles psychiatriques
Peut-on prescrire du VASOBRAL pour inhiber la lactation après un accouchement ?
Vos observations
BROMOCRIPTINE et infarctus cérébral

Ont participé à la réalisation
de ce numéro :
J. Caron
S. Gautier
S. Deheul
J. Dekemp
M. Devémy
C. Potey
C. Leleu
D. Tharel
L. Duthoit
J. Pamart
Editorial :
LEMP sous immunosuppresseurs (CELLCEPT®, TYSABRI®)
La leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP) est une maladie
du système nerveux central dont l’évolution est le plus souvent fatale dans les 6
mois qui suivent le diagnostic. Elle est due à la réactivation du polyomavirus JC,
virus présent sous forme latente dans l’organisme de 70 à 90 % des adultes sains.
Les circonstances de réactivation de ce virus ne sont pas toutes connues à ce jour
mais sembleraient être la résultante de plusieurs facteurs dont notamment une
immunosuppression importante. Cette immunosuppression peut être d’origine
médicamenteuse (immunosuppression dans le cadre d’une greffe, chimiothérapie de
longue durée, …) ou d’origine pathologique (infection par le VIH, cancers…).
En cas de LEMP, le polyomavirus entraîne une démyélinisation progressive
provoquant des lésions au niveau de la substance blanche qui donnent des images
caractéristiques à l’IRM. Au plan clinique, la symptomatologie est vaste et non
spécifique incluant des symptômes visuels, moteurs et cognitifs accompagnés de
déficits sensoriels, de vertiges et de convulsions, de troubles du comportement, ….
Récemment, des cas de LEMP ont été rapportés chez des patients traités par
certains immunosuppresseurs et ont donné lieu à une mise à jour des
recommandations d’utilisation de ces produits :
– CELLCEPT® (mycophénolate mofétil) dans le cadre d’une greffe cardiaque,
hépatique, ou rénale
– TYSABRI® (natalizumab) dans le cadre d’une sclérose en plaque (SEP).
Le CELLCEPT® a une action inhibitrice sur la synthèse de novo des
purines qui est à l’origine de l’immunosuppression nécessaire au maintien du
greffon. L’apparition de symptômes neurologiques chez un patient traité par
CELLCEPT® doit faire envisager la possibilité d’une LEMP et amener à réaliser un
bilan comportant notamment une IRM. En cas de diagnostic de LEMP, la réduction
de l’immunosuppression est indispensable afin de réactiver le système immunitaire.
Bien que cela présente un risque pour le greffon, il n’existe à ce jour aucun autre
moyen de prévenir ou de traiter une LEMP. Cette réduction de l’immunosuppression
devra bien sûr s’accompagner d’une surveillance régulière des signes de rejet.
Le TYSABRI® est un anticorps monoclonal humanisé recombinant, qui
diminue la migration leucocytaire à travers la barrière hémato-encéphalique des
patients souffrant de SEP, limitant ainsi l’inflammation neuronale. Dans le cas d’un
patient traité pour une SEP par TYSABRI®, il est difficile de différencier les signes
neurologiques liés à la SEP de ceux d’une éventuelle LEMP. C’est la raison pour
laquelle une IRM doit impérativement être pratiquée avant l’instauration d’un
traitement par TYSABRI® ; cette IRM servira de référence en vue de détecter
l’apparition de nouvelles lésions qui pourraient être évocatrices de LEMP et non de
SEP. Néanmoins, la différenciation des lésions induites respectivement par la SEP et
la LEMP (neuropathies démyélinisantes dans les deux cas) n’est pas toujours
évidente et la ponction lombaire (PL) sera, en cas de doute, la méthode diagnostique
la plus sûre (suivie d’une PCR du matériel génétique du virus JC). Par ailleurs, le
médecin et l’entourage du patient doivent être attentifs à l’apparition de nouveaux
signes neurologiques sous TYSABRI, que le patient lui-même peut ne pas
remarquer (symptômes cognitifs et psychiatriques notamment), et qui doivent
conduire à rechercher le diagnostic de LEMP par IRM et/ou PL.
http://afssaps.sante.fr, rubriques communiqué de presse ou lettres aux prescripteurs, mai et août 2008
o
Brev Pharmacovig 2008 ; août – octobre ; 24 2
Brèves de la Littérature :
Etude EMIR 2008 (Effets Indésirables des
Médicaments : Incidence et Risque) sur les
hospitalisations liées à un effet indésirable
médicamenteux
Financée par l’AFSSAPS en 2007, l’étude EMIR a
été menée par les 31 CRPV de France et ses
résultats ont été présentés en Commission
Nationale de Pharmacovigilance par le CRPV de
Bordeaux en mars 2008. Le but était d’évaluer
l’incidence des hospitalisations liées à un effet
indésirable médicamenteux, puis dans un deuxième
temps de comparer les résultats à ceux obtenus lors
de l’étude de 1998.
Cette étude prospective et multicentrique a été
réalisée sur 14 jours. Elle a porté sur un échantillon
de services médicaux de court séjour représentatifs
de la situation française, tirés au sort parmi
l’ensemble des CHU et des CH. 2692 patients issus
de 63 centres hospitaliers ont été inclus, avec une
moyenne d’âge de 52 ans environ. 51,4% des
patients étaient des hommes, et 48,6% des femmes.
Au total, 97 effets indésirables ont été retenus, dont
29,9% dans le cadre d’interactions
médicamenteuses. Les graphiques ci-dessous
présentent les différents types d’effets indésirables
répertoriés et les principales classes de
médicaments responsables de l’effet indésirable
ayant nécessité une hospitalisation.
Au total, 3,60% des hospitalisations sont liées à des
effets indésirables médicamenteux (soit chaque
année, en France, plus de 140 000
hospitalisations). L’âge moyen des patients
hospitalisés pour effet indésirable médicamenteux
est significativement plus élevé que celui des
patients hospitalisés pour une autre raison et
l’incidence augmente avec l’âge : moins de 2%
des hospitalisations chez les moins de 16 ans,
mais presque 5% chez les patients âgés de 65 ans
et plus. Dans un tiers des cas, l’effet indésirable
a été jugé comme évitable.
Il apparaît que les hémorragies liées aux
anticoagulants, notamment aux AVK, constituent
la cause d’hospitalisation pour effet indésirable la
plus fréquente. Notons par ailleurs que les cas de
chutes en rapport avec un effet indésirable
médicamenteux ne sont pas négligeables.
Ces résultats, qui sont très proches de ceux de
l’étude de 1998, montrent qu’il nous reste encore
beaucoup de chemin à accomplir pour diminuer
la iatrogénie médicamenteuse en France et
soulèvent la nécessité de réfléchir à certaines
actions préventives destinées à limiter les effets
indésirables :
– détecter les malades les plus à risque de
présenter un évènement indésirable grave (sujet
âgé, type de traitement, risques de chutes), et
assurer un suivi renforcé dans ces circonstances ;
– informer et éduquer le personnel médical et les
patients ;
– améliorer l’information sur le bon usage de
certains médicaments à risque élevé d’effets
indésirables graves (une nouvelle campagne sur
les AVK, accompagnée d’une lettre aux
prescripteurs, est prévu pour fin 2008).

Cliquer pour accéder à fiche_presse_avk_emir.pdf

Vos questions :
Classes de médicaments concernés
26,30%
21,60% 16,80%
12,60%
22,70% Système nerveux
Cardio-vasculaire
Antinéoplasiques
Immunomodulateurs
Sang et organes
hématopoïétiques
Autres
Types d’effets indésirables
9,30%
9,30%
11,30%
20,60%
41,30%
8,20%
Affections
vasculaires
Affections du
système nerveux
Affections gastrointestinales
Anomalies au site
d’administration
Chutes
Autres
A suivre…
Une rapide revue de la littérature en 2008 au sujet du risque de
l’association entre anticoagulants antivitaminiques K (AVK) et
inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) montre
combien l’estimation du risque est difficile, malgré des études
sur des séries de patients très importantes. Cette association fait
en effet l’objet d’une précaution d’emploi dans le VIDAL 2008
pour les deux classes de médicaments, en raison d’un risque
hémorragique et d’un effet anticoagulant accrus liés entre
autres à l’interaction des IRS avec la sérotonine plaquettaire.
– La première étude (1) montre que l’association des 2
traitements majore le risque de survenue de saignement non
digestif de 70%. Par contre, la fréquence des saignements
d’origine digestive n’est pas modifiée par la prise concomitante
des 2 types de traitement.
– Cependant, deux études (2,3) montrent une augmentation du
risque de saignements gastrointestinaux chez les patients
prenant un IRS seul et ne retrouvent pas de majoration de ce
risque en cas d’association avec les anticoagulants (3).
– Enfin, une dernière étude (4) montre que le risque de
saignements gastrointestinaux n’est pas augmenté en cas de
prise isolée d’IRS !
Bien qu’il soit difficile au regard de ces études d’établir une
règle de conduite, la prudence semble toutefois bien nécessaire.
(1) Arch Intern Med 2008 ;168 :180-5 (2) Br J Clin Pharmacol 2008 ;66 :76-
91 (3) Arch Gen Psychiatry 2008;65:795-803 (4) Drug Safety 2008;31: 159-68
Brev Pharmacovig 2008 ; août – octobre ; 24 3
CHAMPIX® et troubles psychiatriques :
Il y a un an exactement (numéro 21 des « Brèves de Pharmacovigilance»), nous recommandions la
prudence dans le choix de la varénicline dans l’aide au sevrage tabagique, en particulier chez les sujets fragiles
(sujets âgés, patients aux antécédents de troubles cardiovasculaires, de troubles dépressifs…). Le dernier
communiqué de presse de l’Afssaps (http://agmed.sante.gouv.fr/htm/10/filcoprs/indcompr.htm) nous conforte
dans cette opinion.
En effet, le bilan de pharmacovigilance établi pour la varénicline après 14 mois de commercialisation
rapporte 1700 effets indésirables déclarés dans le cadre du plan de gestion de risque sur environ 468000
patients traités. La majorité de ces effets ne présente pas de caractère de gravité, mais on peut souligner :
– quelques observations graves de troubles cardiovasculaires ;
– quelques observations graves de troubles neurologiques (notamment épilepsie) ;
– des observations graves de troubles psychiatriques, à type essentiellement de troubles dépressifs,
d’idées et de comportements suicidaires (avec 12 décès), survenant dans des délais variables au cours
du traitement par la varénicline, ou peu de temps après l’arrêt, chez des patients sans antécédents
psychiatriques connus pour la plupart.
Sans que ces données remettent en cause le rapport bénéfice/risque de cette spécialité, la rubrique
« Mises en garde » du produit a cependant été renforcée et les modifications intervenues méritent d’être
gardées en mémoire. Ainsi le traitement doit être immédiatement interrompu en cas d’agitation, d’humeur
dépressive, d’idées suicidaires ou de modifications de comportement, et la prudence est recommandée chez
des patients ayant des antécédents psychiatriques lourds (schizophrénie, troubles bipolaires…).
Peut-on prescrire du VASOBRAL pour inhiber la lactation après un accouchement?
En raison du risque de survenue d’accident vasculaire cérébral (ischémique ou hémorragique) ou
d’infarctus du myocarde avec la bromocriptine (PARLODEL, BROMO-KIN Gé) utilisée dans l’inhibition de
la lactation (voir observation dans ce même numéro), de nombreux médecins se posent la question de la
prescription éventuelle de dihydroergocryptine (VASOBRAL) dans cette même indication (prescription hors
AMM). Ces produits sont des dérivés de l’ergot de seigle, aux actions complexes sur les récepteurs
sérotoninergiques et alpha-adrénergiques, dont l’action sur la lactation fait appel aux propriétés agonistes
dopaminergiques de la bromocriptine et de la dihydroergocryptine, puisque la dopamine (alias PIF – Prolactin
Inhibitor Factor) inhibe au niveau hypophysaire la sécrétion de la prolactine, responsable de la lactation.
La dihydroergocryptine (VASOBRAL®), comme la bromocriptine (PARLODEL®), est un dérivé
semi-synthétique de l’ergot de seigle, dont certaines caractéristiques de la structure chimique seraient
susceptibles d’expliquer un effet vasodilatateur accru. Dans la littérature et dans la base nationale de
pharmacovigilance, nous ne retrouvons pas de cas d’hypertension artérielle, d’infarctus du myocarde ou
d’accidents vasculaires cérébraux sous dihydroergocryptine, alors que plusieurs dizaines de cas sont rapportés
pour le PARLODEL®. En parallèle, plusieurs études (anciennes) montrent une efficacité comparable entre
dihydroergocryptine et bromocriptine dans l’inhibition de la sécrétion de la lactation dans le post-partum. La
dihydroergocryptine est d’ailleurs commercialisée sous le nom de Daverium® en Italie, et utilisée dans cette
indication.
En théorie donc, il semblerait exister un rationnel à l’utilisation de la dihydroergocryptine dans
l’inhibition de la lactation. En pratique cependant, les données sont insuffisantes et de plus larges
investigations nécessiteraient d’être menées pour s’assurer de la pertinence et de l’innocuité de l’utilisation de
cette substance dans le cadre du post-partum. En France, cette prescription reste donc logiquement hors AMM.
Nappi C et al. Effect of dihydroergocryptine on serum prolactin levels and milk secretion in puerperal women. Gynecol Endocrinol. 1993 ;7(2):129-33.
Brev Pharmacovig 2008 ; août – octobre ; 24 4
Vos Observations :
Bromocriptine et infarctus cérébral
Une patiente de 28 ans présente un infarctus
cérébral deux heures après la prise de 2,5 mg de
bromocriptine (BROMOKIN®), prescrite pour une
inhibition de la lactation. Cette patiente ne présente
pas de facteurs de risque cardiovasculaire connus et
a accouché la veille, sans problème, de son
deuxième enfant. A l’entrée en neurologie, sont
présents des troubles sensitifs de la main droite, une
paralysie faciale, une dysarthrie, sans céphalée,
sans palpitations, sans cervicalgie, avec des chiffres
tensionnels normaux. L’IRM cérébrale montre un
infarctus sylvien gauche distal, de petite taille, sans
argument pour une dissection de carotide. Les
bilans biologiques, immunologiques et de
coagulation sont normaux. L’échographie
cardiaque, l’écho-doppler cervical et l’IRM du
polygone de Willis sont sans particularité.
L’évolution est marquée par une récupération
complète.
Nos commentaires :
La bromocriptine est un dérivé de l’ergot de seigle,
aux propriétés vasodilatatrices et dont l’utilisation
peut conduire exceptionnellement à une
hypertension artérielle, un infarctus du myocarde
ou un accident vasculaire cérébral. Ces effets
indésirables, le plus souvent rattachés à une
vasoconstriction induite dont on explique mal le
mécanisme, surviennent habituellement chez des
sujets porteurs de facteurs de risque vasculaire.
Plusieurs dizaines de cas, survenus chez des
femmes traitées par la bromocriptine dans le postpartum,
sont ainsi rapportés dans la littérature ou
auprès des systèmes de pharmacovigilance
Les données pour établir avec certitude la relation
de cause à effet entre la prise de bromocriptine et
la survenue de ces accidents sont insuffisantes pour
conclure. Cependant, la commercialisation de ce
produit dans l’indication «arrêt de la lactation»
n’est plus effective dans de nombreux pays en
raison de ce risque et en France, il est recommandé
lors de l’instauration du traitement dans le postpartum
de réaliser un interrogatoire à la recherche
des facteurs contre- indiquant la prescription
(obésité, tabagisme, HTA…) et d’effectuer une
surveillance clinique durant les premiers jours de
traitement à la recherche de céphalées persistantes,
d’hypertension ou de signes neurologiques.
D’un point de vue pharmacologique, la
bromocriptine est un dérivé semi-synthétique de
l’ergot de seigle, classe pharmacologique connue
pour être à l’origine d’effets indésirables
vasculaires de type vasoconstriction. Cependant
la bromocriptine est le plus souvent à l’origine
d’effets hypotenseurs, probablement liés à son
action complexe sur les récepteurs
sérotoninergiques et alpha-adrénergiques. La
genèse d’effets indésirables de type hypertensifs
ou vasoconstricteurs pourrait trouver son origine
dans l’action agoniste alpha partielle de la
bromocriptine ou, comme certains auteurs en font
l’hypothèse, dans une prédisposition génétique à
déshydrogéner la bromocriptine, générant ainsi
un dérivé à propriété vasoconstrictrice.
Pour cette patiente, les causes habituelles
d’infarctus cérébral ont été éliminées. Cet
accident se produit toutefois le lendemain de son
accouchement, alors qu’on sait que la période du
post-partum est une période propice à la genèse
d’effets indésirables vasculaires, du fait des
modifications physiologiques (hypercoagulabilité
sanguine en particulier du fait d’une
augmentation des facteurs de coagulation
pendant la grossesse, qui persiste 6 semaines
après l’accouchement et d’une augmentation de
la numération plaquettaire). Par ailleurs, la
chronologie de survenue du vasospasme dans
cette observation correspond au pic plasmatique
de concentration de la bromocriptine (estimé à
1h30 environ). La responsabilité de la
bromocriptine peut donc légitimement être
évoquée, peut-être par l’intermédiaire d’un
vasospasme induit.
Si vous observez un effet
indésirable grave et/ou inattendu ou
si vous désirez un renseignement
sur un médicament :
N’hésitez pas à nous contacter :
 : 03-20-96-18-18
 : 03-20-44-56-87
 : crpv@chru-lille.fr