Brèves en pharmacovigilance n°41
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Brèves en Pharmacovigilance
Numéro 41, Août – Septembre 2013
SOMMAIRE
Editorial
Erreurs médicamenteuses : une responsabilité supplémentaire !
Vos questions
Peut-on conseiller la cigarette électronique aux femmes enceintes ou qui allaitent ?
A suivre
Baclofène dans l’alcoolodépendance : penser au syndrome de sevrage … au baclofène !
Vos observations
L’association lamotrigine/quétiapine augmente-t-elle le risque de syndrome de Stevens-Johnson ?
Vos observations
Pemphigoïdes bulleuses sous gliptines
Ont participé à la réalisation
de ce numéro :
M. Auffret
M. Bastides
J. Béné
J. Caron
S. Deheul
J. Dekemp
M. Faucon
S. Gautier
J. Pamart
M. Rossi
EDITORIAL – Erreurs médicamenteuses : une responsabilité
supplémentaire !
Les Erreurs Médicamenteuses (EM) se définissent par l’omission ou la réalisation non
intentionnelle d’un acte au cours du processus de soins impliquant un médicament, qui
peuvent être à l’origine d’un risque ou d’un évènement indésirable pour le patient1. Elles
peuvent être de nature diverse et de conséquences variables et nous avons tous en
mémoire certaines EM mortelles survenues chez des enfants lors de la préparation et du
dosage de morphine ou lors d’administration de chlorure de magnésium à la place de
soluté glucosé.
Pour éviter que des accidents similaires ne se reproduisent, il est nécessaire d’analyser et
de comprendre les circonstances de survenue des EM et de proposer des actions
d’amélioration. Plusieurs structures impliquées dans le recueil, l’analyse des EM et la
mise en place d’actions correctives coexistent dans notre pays.
· Au niveau local, depuis la loi HPST de 2009, les établissements de santé (ES)
ont la mission de garantir la qualité et la sécurité des soins. L’arrêté du 6 avril
2011 précise que les ES doivent mettre en place un système de gestion de la
qualité et de la sécurité de la prise en charge médicamenteuse, auquel se rattache
habituellement la gestion des EM. Les pharmaciens hospitaliers participent
souvent activement à cette activité.
· Au niveau régional :
– Les CRPV (Centre Régionaux de PharmacoVigilance) sont impliqués, plus
particulièrement quand l’EM est responsable d’un effet indésirable. On
peut citer l’exemple, dans notre région, d’une erreur de délivrance entre
LAMICTAL® et LAMISIL® (aux orthographes bien proches !) ayant
entrainé un syndrome de Lyell. La remontée de cette EM en 2010 avait
conduit à une information nationale, via l’ex AFSSAPS, à l’attention des
pharmaciens d’officine sur le risque de confusion entre ces deux
spécialités1 au niveau des ordonnances.
– Au niveau de l’ARS Nord – Pas de Calais, l’OMéDIT (Observatoire des
Médicaments, Dispositifs médicaux et Innovations Thérapeutiques) collecte
et analyse les EM envoyées par les ES par le biais d’une sous-commission
« Cellule erreurs médicamenteuses ». Il s’agit d’un groupe de travail
composé de professionnels de santé hospitaliers qui propose des actions
d’amélioration (par exemple : proposition d’une fiche de calcul de doses
pour les morphiniques et/ou réduction du nombre de spécialités
morphiniques en stock au sein d’un ES).
Au niveau national, le « guichet erreur médicamenteuse » de l’ANSM prend en compte
l’ensemble des signalements mettant en cause le médicament et permet à l’ANSM d’agir
par des interventions à visée corrective auprès des laboratoires pharmaceutiques, ou par
des informations diffusées auprès des professionnels de santé, parfois dans l’urgence.
L’implication de l’ensemble des professionnels de santé du public ou du privé dans cette
démarche (médecins, pharmaciens, personnel infirmier) est indispensable et nous vous
incitons à déclarer les EM que vous rencontrez (au CRPV: 03.20.96.18.18 ou à
l’OMEDIT: 03. 62. 72. 78. 71) afin que l’expérience vécue à titre individuel profite à
tous et avant tout aux patients.
1 ANSM ; Bulletin des vigilances. 2013;57
2 AFSSAPS ; Information de pharmacovigilance : Erreurs de délivrance – confusion entre LAMICTAL® (lamotrigine) et
LAMISIL® (terbinafine) à l’origine de réactions cutanées graves ou de crises convulsives – Lettre aux professionnels de
santé ; 22/03/2010
Brev Pharmacovig 2013 ; Août – Septembre : 41 2
Vos Questions : Peut-on conseiller la cigarette électronique aux femmes enceintes ou qui allaitent ?
La cigarette électronique ou e-cigarette connaît actuellement un essor considérable et fait de plus en plus d’adeptes. On pouvait
initialement se procurer les e-cigarettes uniquement par internet, puis des boutiques spécialisées se sont développées (en mars 2013, 150
boutiques étaient recensées en France). Il existe une multitude de fabricants et de modèles qui ne font l’objet d’aucun contrôle sanitaire.
Les pharmacies ne sont pas autorisées à en vendre mais, malgré 2 rappels à l’ordre du ministère de la Santé et 2 avertissements de l’ordre
national des pharmaciens, plus d’un tiers d’entre elles en vendraient…
La cigarette électronique est constituée d’une pile, d’une cartouche (dispositif de stockage du liquide appelé e-liquide) et d’un atomiseur
muni d’une résistance. Lors de l’inspiration, le courant électrique qui émane de la pile va induire une montée en température (de 50° à
250°) de l’atomiseur qui va chauffer le e-liquide et le faire passer à l’état gazeux, simulant la fumée de cigarette.
Les e-liquides contiennent tous, quelque soit le fabricant, des arômes, du propylène glycol ou du glycérol, et des colorants. La nicotine
n’est pas toujours présente.
– Les arômes utilisés peuvent être naturels (d’origine végétal ou animal) ou artificiels (résultat de synthèse chimique de produit
non identifié dans la nature) et les goûts proposés sont très diversifiés (différents tabacs, fruits, menthe, chocolat, coca cola, et même de
cannabis !).
L’utilisation des arômes est réglementée par l’industrie alimentaire et il existe une liste des valeurs limites par ingestion, certains arômes
étant toxiques dans certaines conditions d’utilisation ou à certaines doses. Par contre, on ne connaît pas leur comportement lorsqu’ils sont
inhalés et chauffés et on ne peut exclure la formation de composés toxiques pour l’organisme.
– Le propylène glycol est utilisé dans l’alimentation et dans certains médicaments. Ce produit est considéré comme peu toxique
et non cancérogène et il n’existe pas en France de valeur limite d’exposition. Cependant, les fiches de l’INRS (Institut National de
Recherche et de Sécurité) rapporte une toxicité chronique lors d’administration par voie orale, parentérale ou transcutanée liée à la
production de métabolites (acide lactique et pyruvique) à l’origine d’acidose métabolique, d’élévation de l’osmolalité plasmatique et de
conséquences parfois graves lors de l’utilisation sous forme topique chez les grands brûlés. Chez l’enfant, des intoxications ont été
décrites avec insuffisance rénale aigüe et crises convulsives lors d’intoxication médicamenteuse. Des troubles neurologiques sont aussi
rapportés.
Par ailleurs, le propylène glycol est suspecté d’être toxique à long terme par inhalation et certains pays ont même défini des valeurs
limites d’exposition professionnelle lors d’exposition chronique à des aérosols de propylène glycol. A titre informatif, ces valeurs sont
très différentes d’un pays à l’autre (150 ppm (447 mg par m3) au Royaume Uni et 10 mg/m3 aux Etats-Unis…) et il est donc difficile de
connaître avec précision les valeurs limites à partir desquelles il peut y avoir des effets délétères.
En France, il n’existe pas à notre connaissance de valeurs limites mais l’exposition professionnelle au propylène glycol est régie par le
code du travail qui recommande, selon l’usage, le port de masque, de gants etc…. Pour nuancer ces propos, il faut noter que le propylène
glycol est aussi présent dans le tabac des cigarettes classiques, à hauteur de 2-3%… Pour information, 38 ml d’e-liquide contiennent 32
ppm de propylène glycol et une cartouche de 10 ml de liquide serait l’équivalent, en termes de propylène glycol, à l’apport d’environ
120 cigarettes classiques.
Signalons enfin que le propylène glycol peut être de qualité pharmaceutique ou non et que seule la qualité pharmaceutique certifie que
des contrôles de qualité ont vérifié l’absence d’impuretés. Or, l’origine des produits utilisés dans les e-cigarettes n’est pas mentionnée par
les fabricants et diffère d’un fabricant à l’autre. Beaucoup d’entre eux s’approvisionneraient à l’étranger.
– Les données concernant le glycérol soulèvent les mêmes interrogations que celles du propylène glycol à savoir absence de
données sur l’inhalation, une toxicité éventuelle avec recommandation professionnelle de prudence et une possibilité d’impuretés en
l’absence de qualité pharmaceutique.
– En ce qui concerne la nicotine, la plupart des fabricants utilisent de la nicotine de qualité pharmaceutique mais des produits de
mauvaise qualité circulent sur le marché. Les taux de nicotine du e-liquide sont compris entre 0 et 20 mg par ml adapté à la
consommation que le sujet avait en cigarette classique.
– En dernier lieu, le e-liquide contient aussi de l’éthanol à raison de 0,05gr pour une cartouche de 10 ml et d’autres produits pour
lesquels on ne connaît pas non plus le comportement lors de l’atomisation (acétine, diacétine, parabènes …).
Compte tenu de l’ensemble de ces données, beaucoup d’incertitudes existent quant aux produits utilisés dans les e-cigarettes. Les
données de toxicologie sont rares mais ne semblent pas vraiment inquiétantes par rapport à la cigarette traditionnelle. Mentionnons
cependant qu’une enquête récente effectuée par l’association 60 millions de consommateurs aurait mis en évidence dans la vapeur de
certaines e-cigarettes des taux de formaldéhyde et d’acroléine aussi élevés (voire même plus) que ceux que l’on relève dans les cigarettes
traditionnelles.
En ce qui concerne plus particulièrement les femmes enceintes, aucune donnée n’est disponible à ce jour. Le rapport d’expertise
de mai 2013 sur la cigarette électronique, établi par l’office français de prévention du tabagisme et soutenu par la Direction Générale de
la Santé (1), recommande de ne pas utiliser, en l’absence de données complémentaires, de e-cigarettes chez la femme enceinte.
En effet, même si l’e-cigarette n’apporte pas, par rapport au tabac, de quantité significative de substances cancérogènes, de
microparticules, ni de monoxyde de carbone délétères pour le foetus, la vapeur inhalée contient des substances dont on ne connaît pas la
toxicité et dont on ne sait pas si elles sont plus ou moins toxiques que celles de la cigarette classique sur le long terme.
Aussi, de la même manière qu’il est déconseillé aux femmes enceintes de fumer, la e-cigarette doit être aussi évitée pendant la
grossesse. Il semble donc plus prudent, lorsque la question du sevrage tabagique est envisagée avec les patientes enceintes ou allaitantes,
de leur conseiller l’utilisation des substituts nicotiniques (NICORETTE®, NICOPATCH® ….) dont l’utilisation est bien validée chez la
femme enceinte ou allaitante.
Pour être complet, signalons enfin que le bupropion (ZYBAN®) et la varénicline (CHAMPIX®) ne doivent pas être administrés pendant
la grossesse et l’allaitement.
(1) www.ofta-asso.fr/docatel/Rapport_e-cigarette_VF_1.pdf
Brev Pharmacovig 2013 ; Août – Septembre : 41 3
A suivre …
Baclofène dans l’alcoolodépendance : penser au
syndrome de sevrage … au baclofène !
Le baclofène (LIORESAL®) est un agoniste du récepteur
GABA-B dont l’utilisation hors-AMM dans
l’alcoolodépendance est de plus en plus courante. Des
syndromes de sevrage au baclofène ont surtout été décrits
lors de son administration au long cours par voie
intrathécale dans le traitement de la spasticité mais
peuvent aussi survenir par voie orale1. La monographie
française précise d’ailleurs qu’il ne faut pas interrompre
brutalement le traitement. Ce syndrome de sevrage est
surtout lié à un phénomène d’hyperexcitabilité au niveau
du système nerveux central pouvant se traduire par une
désorientation, des hallucinations, une hyperthermie, des
myoclonies, des convulsions, une rhabdomyolyse, voire
même un arrêt cardiaque2,3. Le délai d’apparition des
signes de sevrage varie de quelques heures à quelques
jours après l’arrêt du baclofène4.
Depuis 2011, nous avons reçu six observations de
syndrome de sevrage au baclofène dans le cadre de son
utilisation dans l’alcoolodépendance, incluant une
désorientation temporo-spatiale, une confusion, une
agitation, des hallucinations visuelles, des convulsions,
des tremblements ou encore une tachycardie. Ces patients
avaient soit arrêté brutalement, d’eux-mêmes ou sur avis
médical, le baclofène pour une inefficacité ou en raison
d’effets indésirables, soit avaient présenté une moindre
absorption digestive du produit du fait de vomissements.
Devant ces symptômes et chez des patients
alcoolodépendants traités par baclofène, un syndrome de
sevrage à l’alcool doit bien sûr être évoqué en priorité.
Cependant, un syndrome de sevrage au baclofène est
également à rechercher, notamment si le patient ne réagit
pas à un traitement par benzodiazépine, inefficace dans
ces circonstances. Il convient alors de réintroduire la
molécule, le risque principal étant la survenue de crises
convulsives.
1 Leo RJ, Baer D. Psychosomatics. 2005;46:503-7.
2 Mohammed I et al. a case report ; BMC Clin Pharmacol. 2004;9:4-6.
3 D’Aleo G et al. Neurol. 2007:81-8.
4 Kita M, Goodkin DE. Drugs. 2000;59:487-95.
Vos Observation :
L’association lamotrigine/quétiapine augmente-telle
le risque de syndrome de Stevens-Johnson ?
Deux observations de syndrome de Stevens-Johnson
chez des patients traités par Lamictal® (lamotrigine)
et Xéroquel® (quétiapine) nous ont été récemment
déclarées. Le premier cas concerne un homme âgé de
28 ans, suivi pour un trouble bipolaire et traité depuis
15 jours par Lamictal®, 100mg 2x/j, Xéroquel® LP,
50mg 2x/j, et Séresta® (oxazépam), 5mg 3x/j. Le
deuxième cas concerne une patiente âgée de 54 ans,
présentant parmi ses antécédents un trouble bipolaire,
et chez laquelle un traitement par Lamictal® 100mg
2x/j, Xéroquel® LP 50mg/j, Témesta® (lorazépam)
2,5mg/j, alprazolam 0,25mg, Stilnox® (zolpidem)
10mg/j avait été introduit 19 jours avant la survenue
des premiers symptômes de la toxidermie. Trois jours
avant son apparition, le traitement avait été réévalué,
pour ne maintenir que le Xéroquel® (posologie
augmentée à 300mg/j) et introduire Urbanyl®
(clobazam) et Atarax® (hydroxyzine).
Au vu de ces deux cas, on peut effectivement se poser
la question d’une éventuelle interaction entre
lamotrigine et quiétapine.
La fréquence d’apparition du syndrome de Stevens-
Johnson ou de Lyell avec la lamotrigine est d’environ
1 /1000 chez l’adulte et même plus élevé chez l’enfant.
La survenue de ces syndromes peut être favorisée par
des posologies initiales de lamotrigine importantes (ce
qui est le cas dans les deux observations rapportées),
une progression de doses trop rapide ou encore une
association au valproate, entrainant une diminution de
la clairance de la lamotrigine par compétition au
niveau de sa glucuronoconjugaison hépatique. Le
mécanisme physiopathologique de la survenue de ce
syndrome n’est à ce jour pas élucidé, mais il pourrait
s’agir d’une hypersensibilité à médiation cellulaire. Le
délai d’apparition moyen est d’environ 20 jours après
l’introduction de la lamotrigine.
La quétiapine peut également être à l’origine de cas de
syndrome de Stevens-Johnson, cet effet indésirable
étant cependant considéré comme très rare.
La quétiapine est métabolisée par le CYP450 3A4
mais la lamotrigine est essentiellement
glucuronoconjuguée et ni l’une ni l’autre ne sont
connues pour être inductrices ou inhibitrices des
cytochromes P450. Au plan pharmacodynamique,
aucune cible commune n’a été identifiée. Par ailleurs,
aucune interaction n’est mentionnée dans les ouvrages
spécifiques aux interactions médicamenteuses. Au vu
du profil pharmacologique de la lamotrigine et la
quétiapine, une potentielle interaction médicamenteuse
entre ces deux molécules est donc peu probable.
La survenue des deux Stevens Johnson est, à notre avis,
difficile à attribuer à la quiétapine devant les arguments de
fréquence de ces atteintes cutanées avec la lamotrigine.
Ces deux observations, très comparables, nous amènent
donc à insister une nouvelle fois, sur l’importance de
l’introduction à dose initiale faible et à posologie
croissante de la lamotrigine, facteurs de risque avérés de
toxidermies bulleuses graves avec ce médicament.
Brev Pharmacovig 2013 ; Août – Septembre : 41 4
Vos Observations : Pemphigoïdes bulleuses sous gliptines
Trois observations de pemphigoïdes bulleuses chez des patients traités par gliptines ont été déclarées au CRPV ces
derniers mois. Le premier cas concerne une femme de 86 ans, diabétique de type 2, traitée depuis 2 mois par
vildagliptine 50mgx2/j et metformine 1000mgx2/j lorsqu’elle est hospitalisée pour une éruption érythémato-bulleuse
apparue un mois auparavant. Le second cas concerne un homme de 79 ans, traité par gliclazide 120mg/j,
vildagliptine 50mgx2/j et metformine 1000mgx2/j depuis 37 mois et hospitalisé pour éruption bulleuse généralisée
évoluant depuis 3 semaines et évocatrice d’une pemphigoïde bulleuse, confirmée par la biopsie cutanée,
l’immunofluorescence directe et indirecte. Dans le 3ème cas, une femme de 77 ans est hospitalisée pour une éruption
bulleuse extensive et prurigineuse évoquant une pemphigoïde bulleuse présente depuis 3 mois. Cette patiente était,
entre autres, traitée par gliclazide 60mgx2/j et vildagliptine 50mgx2/j depuis 26 mois. Dans ces trois cas, l’évolution
a été favorable après arrêt de la vildagliptine et soins locaux par clobétasol (ces trois patients sont encore à ce jour
bien contrôlés sous clobétasol, qui est progressivement diminué).
Les pemphigoïdes bulleuses sont des affections cutanées dont l’origine peut être iatrogène. Différentes molécules et
notamment celles dotées d’un groupement thiol comme le furosémide, certaines béta-lactamines, et les
bétabloquants ont été incriminées dans l’apparition de cette atteinte cutanée [1]. Toutefois, d’autres molécules ne
présentant pas ce groupement, comme les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, sont également citées comme
pourvoyeuses de ce type d’effet indésirable [2].
Les gliptines (GALVUS®, JANUVIA®/XELEVIA®) inhibiteur de la dipeptidylpeptidase-4 (DPP-4) n’étaient pas
connues au moment de leur commercialisation pour induire des pemphigoïdes bulleuses. Cependant, 2 ans après leur
mise sur le marché, on recense 7 cas de pemphigoide bulleuse sous vildagliptine et 3 sous sitagliptine publiés dans la
littérature [3-5]. Dans 9 de ces cas, la gliptine était associée à la metformine. Le délai d’apparition de la pemphigoïde
bulleuse allait de 2 à 13 mois après l’introduction du traitement.
Dans deux des cas que nous décrivons, la gliptine était également associée à la metformine. La responsabilité de la
metformine dans ces cas semble cependant peu probable car la réaction cutanée régresse à l’arrêt de la gliptine alors
que le traitement par metformine est maintenu. Par ailleurs, rappelons qu’à ce jour aucun cas de pemphigoïde
bulleuse sous metformine seule n’a été décrit dans la littérature malgré une commercialisation depuis bientôt 50 ans.
Dans la Base Nationale de Pharmacovigilance, 27 observations de pemphigoïdes bulleuses chez des patients exposés
à une gliptine, sont décrits. Parmi ces cas, 21 impliquent la vildagliptine, 5 la sitagliptine et 1 la saxagliptine. Les
délais d’apparition des pemphigoïdes vont de 3 semaines à 3 ans. Dans 18 cas, la gliptine est associée à la
metformine. Dans la majorité des cas l’arrêt de la gliptine et l’initiation d’un dermocorticoïde a permis la régression
des lésions. Dans l’un des cas, la réintroduction accidentelle de la gliptine a entrainé la réapparition de symptômes.
Au niveau de la peau, de nombreux types cellulaires (dont les kératinocytes) expriment la DPP-4, impliquée dans la
production de cytokines, la différentiation tissulaire et le métabolisme du collagène. De plus, certains facteurs
modulés par le DPP-4 in vivo comme le proglucagon, le GLP-1 et le récepteur au GLP-1 ont également été décrits au
niveau des structures cutanées. Ainsi, les actions biologiques pluripotentes des gliptines pourraient être à l’origine
d’une modification de la réponse immunitaire et/ou d’une altération des propriétés antigéniques au niveau de la
membrane basale épidermique, susceptibles d’expliquer la survenue de ces pemphigoïdes bulleuses.
En conclusion, ces observations suggèrent l’hypothèse d’un risque de pemphigoïde bulleuse chez les patients
exposés aux gliptines, peut-être sous-tendu par une plausibilité pharmacologique. Les professionnels de santé
doivent avoir connaissance de ce signal, en particulier les endocrinologues/diabétologues, les dermatologues et les
médecins généralistes.
[1] Rev Mal Respir. (2011)28,365-71. [2] BMJ(1994)309:1411. [3] J Eur Acad Dermatol Venereol. (2012)26:249-53. [4] Diabetes Care. (2011);34:e133. [5]
JAMA Dermatol. (2013)149:243-5.
Si vous observez un effet indésirable grave et/ou inattendu ou si vous désirez un renseignement sur un
médicament :
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