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Brèves en Pharmacovigilance
Numéro 42, Octobre – Décembre 2013
SOMMAIRE
Editorial

Cette Médecine traditionnelle qui n’a jamais quitté notre pharmacopée !
Littérature
Utilisation des antidépresseurs à l’approche du terme et risque d’hémorragie de la délivrance
A suivre
Epanchements péricardiques sous Nouveaux AntiCoagulants Oraux (NACO)
Vos questions
Singulair® et ecchymoses ?
Vos observations
Vémurafénib et insuffisance rénale aiguë
Olmetec et entéropathies
Compte de Rendu de la 3ème Journée de Pharmacovigilance

Ont participé à la réalisation
de ce numéro :
M. Auffret
M. Bastides
J. Béné
J. Caron
J. Dekemp
S. Gautier
V. Michel
J. Pamart
EDITORIAL – Cette médecine traditionnelle qui n’a jamais quitté notre
pharmacopée !
Une première mondiale, parue le 6 septembre dernier dans le journal de chimie
Angewandte Chemie [1], a révélé la découverte par une équipe de chercheurs de
la présence à l’état naturel – au sein des racines d’un pêcher d’Afrique
subsaharienne (Nauclea Latifolia) – d’un composé chimique qui a été synthétisé,
dans les années 1970 : le tramadol ! En effet, avec 20 g de racine, utilisée dans la
médecine traditionnelle du Cameroun pour traiter la fièvre, le paludisme et
l’épilepsie, on obtiendrait un comprimé de tramadol. Cette découverte ouvre des
perspectives à la fois pharmacologiques, puisque les scientifiques sont
déterminés à chercher d’autres variétés de pêcher africain produisant des
molécules avec un effet antalgique plus prononcé, mais aussi ethnologiques, car
elle invite à ne pas perdre de vue l’usage des plantes dans les médecines
traditionnelles des populations d’autres continents.
Au niveau du CRPV, l’utilisation de plantes issues de la médecine traditionnelle
amène régulièrement à des questions de la part de praticiens. Ainsi, nous ont été
demandées dernièrement des précisions sur l’intérêt :
– du pois mascate (Mucuna Pruriens), plante utilisée dans la médecine
traditionnelle indienne et disponible sous la forme de complément alimentaire
pour traiter la maladie de Parkinson ;
– d’un complément nutritionnel à base d’ortie blanche (Lamium Album), utilisée
en médecine ayurvédique, dans les douleurs articulaires ;
– des baies de Goji (Lycium Barbarum), antioxydant utilisé en médecine
traditionnelle chinoise pour lutter contre la fatigue et le vieillissement (mais aussi
potentiellement inhibiteur du CYP2C9 !).
Pour toutes ces questions nous avons retrouvé des données scientifiques, plus ou
moins sérieuses, qui posent la question de l’intérêt de ces plantes dans nos
pharmacopées occidentales. Toutefois, nos réponses ont toujours été prudentes
en l’absence de validation scientifique. De plus, nous avons tous en mémoire, les
« effets bénéfiques » de la germandrée petit chêne utilisée dans des régimes
amaigrissants et qui s’est révélée hépatotoxique, de la levure de riz rouge,
remède souverain de l’hypercholestérolémie qui s’est révélé contenir de la
lovastatine (cf Brèves 36), ou du millepertuis sur l’humeur, mais aussi sur les
traitements associés des patients, cette plante se révélant être un puissant
inhibiteur des Cytochromes P450. La mise en évidence de tramadol dans le
Nauclea Latifolia est donc une belle histoire qui ne doit cependant pas nous faire
oublier la prudence la plus élémentaire !
[1] Boumendjel A, et al. Occurrence of the Synthetic Analgesic Tramadol in an African Medicinal Plant.
Angew Chem Int Ed Engl. 2013
Le CRPV de Lille
Vous souhaite une bonne Année 2014
Brev Pharmacovig 2013 ; octobre – décembre 2013, 42 2
Littérature :
Utilisation des antidépresseurs à l’approche du
terme et risque d’hémorragie de la délivrance
Deux études américaines avaient déjà évoqué, avec
des chiffres à la limite de la significativité, un risque
d’hémorragie du post partum (HPP) lors de la prise
d’un traitement par antidépresseurs pendant la
grossesse (1,2). Les résultats d’une étude récente,
publiée en août 2013 (3), portant sur une cohorte de
106 000 femmes présentant des troubles de l’humeur
ou des troubles anxieux et ayant accouché entre 2000
et 2007, semblent corroborer les données précédentes.
Dans cette étude, les femmes ont été divisées en
quatre groupes, un groupe de 69 044 femmes non
traitées et un groupe de femmes traitées en
monothérapie par un antidépresseur. Les
antidépresseurs ont été classés selon leur degré
d’affinité pour le transporteur de la sérotonine en
inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS),
associant inhibiteurs sélectifs de la sérotonine et
inhibiteurs de la sérotonine et de la noradrénaline, et
en non inhibiteurs de la recapture de la sérotonine
(non-IRS). Parmi les femmes traitées, trois groupes
ont été différenciés en fonction du moment de
l’exposition par rapport à la date d’accouchement :
– 12 710 femmes traitées le jour de
l’accouchement par un IRS et 1495 par un
non-IRS ;
– 6 096 femmes traitées par un IRS dans le mois
précédent l’accouchement et 829 par un non-
IRS ;
– 10 416 femmes traitées par un IRS entre 1 et 5
mois avant l’accouchement et 2132 par un
non-IRS).
Les résultats, après ajustement sur les facteurs de
risque d’HPP (prééclampsie, déclenchement artificiel
du travail, utilisation de forceps…) montre un risque
relatif d’HPP pour les femmes traitées par un
antidépresseur au moment de l’accouchement de 1,44
(IC95% : 1,32-1,58), avec dans les détails, un risque
de 1,47 (IC95%: 1,33-1,62) pour les femmes exposées
à un IRS et de 1,39 (IC95% : 1,07-1,81) pour celles
qui sont exposées à un non-IRS. Pour les femmes dont
l’exposition se situe dans le mois précédant
l’accouchement, le risque est plus faible : de 1,19
(IC95% : 1,03-1,38) pour les IRS et 1,17 (IC95% :
0,80-1,70) pour les non-IRS. Enfin, pour les femmes
exposées 1 à 5 mois avant le terme, le risque n’est pas
augmenté pour les IRS et très légèrement augmenté
mais non significativement pour les non-IRS.
Parmi les antidépresseurs, le risque le plus élevé
apparaît avec la venlafaxine utilisée au moment de
l’accouchement.
D’un point de vue physiopathologique, le risque de
saignements avec les IRS est connu pour les
saignements gastro-intestinaux et les saignements
péri-opératoires, mais n’a jamais été formellement
A suivre …
Epanchements péricardiques sous Nouveaux
AntiCoagulants Oraux (NACO)
L’incidence de survenue d’un hémopéricarde chez un
patient recevant une anticoagulation est très souvent sousestimée,
puisque pouvant être comprise entre 2,5 et 11%1.
En 2013, 3 cas d’épanchements péricardiques sous NACO,
de découverte fortuite (dans un contexte de sepsis pour
l’un, et de dyspnée sans signe d’insuffisance cardiaque
associé pour les deux autres) nous ont été rapportés (2 cas
avec dabigatran-Pradaxa®, et un cas avec rivaroxaban-
Xarelto®). Les 3 patientes, âgées de 59, 79 et 87 ans,
étaient traitées à une posologie adaptée selon l’indication,
l’âge et la fonction rénale. L’épanchement a nécessité un
drainage dans les 3 cas et a ramené 400 mL de liquide
séro-hématique dans un cas, et du liquide hémorragique
dans les deux autres cas, dont l’un d’issue fatale (2 litres de
sang drainés).
La responsabilité des NACO dans nos 3 dossiers est
plausible, même si elle n’est pas formellement établie,
mais devant l’augmentation croissante de l’utilisation de
ces nouveaux anticoagulants oraux, il nous semble
important de rappeler que les complications hémorragiques
graves de ces produits sont extrêmement variées, ne se
limitent pas aux complications hémorragiques classiques
digestives, urinaires ou cérébrales, et que bien d’autres
tableaux cliniques doivent amener à évoquer une
complication hémorragique en présence de ces produits.
1 Ann. Pharmacother 2012;46:e18
démontré à ce jour lors de la délivrance. Les mécanismes
physiopathologiques d’une éventuelle augmentation du
risque d’HPP résideraient dans le fait que, chez les
patientes traitées, l’agrégation plaquettaire serait altérée en
raison d’une déplétion plaquettaire en sérotonine liée à
une inhibition de sa recapture par les plaquettes.
Cette hypothèse n’explique cependant pas le résultat
retrouvé avec les traitements non-IRS, qui néanmoins
peuvent pour certains d’entre-eux interférer avec la
sérotonine (telle la trazodone, antagoniste 5-HT2a).
Cette nouvelle étude est comme les deux précédentes,
issue de données rétrospectives et nécessite à notre avis
d’être reconfirmée. Même si ces études ne changent pas le
rapport bénéfice/risque d’un traitement antidépresseur
pendant la grossesse, elles méritent vraisemblablement
d’être prises en compte chez des patientes déjà à risque
d’HPP (pré-éclampsie, césarienne, grossesse multiple, …)
et traitées par ces produits.
(1) J Clin Psychopharmacol 2008;28:230-4; (2) Psychol Med
2010;40:1723-33; (3) BMJ 2013 Aug21;347:4877
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Vos Questions : Singulair® et ecchymoses ?
Nos confrères du Centre Hospitalier de Valenciennes, à l’occasion d’une déclaration d’effet indésirable, nous ont
récemment interrogés sur le cas d’une jeune fille de 13 ans ayant présenté des ecchymoses spontanées sur les jambes
alors qu’elle était traitée depuis peu par Singulair® (montélukast) et Aérius® (desloratadine) pour un asthme sévère.
Le Singulair® était alors arrêté et l’effet, initialement persistant, régressait (sans aggravation de l’asthme). Le bilan
biologique de la patiente était normal.
Les monographies françaises du montélukast mentionnent effectivement un risque d’ecchymose. Dans la littérature,
un article récent1 relate un cas [1], qui concerne une femme de 31 ans, asthmatique, présentant des ecchymoses au
niveau des jambes alors qu’elle était traitée par voie orale depuis un mois par montélukast (10 mg/j) et depuis plus
longtemps par budésonide par voie inhalée. La patiente ne rapportait pas de traumatisme. Le montélukast était alors
arrêté. Les symptômes ont régressé dans les deux semaines suivant cet arrêt. Deux jours après avoir repris le
montélukast, les ecchymoses sont réapparues entrainant l’arrêt définitif du produit, sans réapparition des symptômes.
Il semblerait que ce cas d’ecchymose sous montélukast soit le premier et le seul cas décrit dans la littérature. Le
mécanisme d’action impliqué dans cet effet indésirable passerait par une inhibition de l’agrégation plaquettaire. On
peut par ailleurs noter que l’un des effets indésirables connu du montelukast est la possibilité de syndrome de Churg
et Strauss, une vascularite dont l’un des symptômes se caractérise par des lésions hémorragiques (pétéchies,
ecchymoses).
Dans la Base Nationale de PharmacoVigilance nous retrouvons actuellement un cas d’ecchymose dans lequel le
montelukast est le seul médicament considéré comme suspect. Ce cas concerne un enfant de 6 ans traité depuis 21
jours par montelukast et ayant présenté des ecchymoses sur les jambes (sans traumatisme déclenchant selon les
parents) ; Les ecchymoses ont disparu dix jours après l’arrêt du traitement.
Ces observations et cet effet indésirable méritent d’être gardés en mémoire et doivent nous faire réagir lorsque des
ecchymoses apparaissent spontanément peu de temps après l’introduction de ce traitement.
1Aypak C, et al. RespirCare. 2013;58:e104-6.
Si vous observez un effet indésirable grave et/ou inattendu ou si vous désirez un renseignement sur un
médicament :
N’hésitez pas à nous contacter :
 : 03-20-96-18-18
 : 03-20-44-56-87
Vos Observations : Vémurafénib et insuffisance rénale aiguë
Trois observations d’insuffisance rénale aiguë sous vémurafénib (Zelboraf®) nous ont été rapportées récemment.
Les 3 patients âgés de 68, 81 et 82 ans étaient traités par vémurafénib, 960 mg deux fois par jour, pour un
mélanome. Ces insuffisances rénales aiguës sont survenues dans des délais allant de 2 semaines à 3 mois après
l’introduction du vémurafénib. Le traitement est alors soit arrêté momentanément, le temps que la fonction rénale
s’améliore (1 cas), soit diminué à la posologie de 480 mg deux fois par jour (2 cas). Lorsque la fonction rénale se
normalise, le vémurafénib est réintroduit chez deux patients mais dans les deux cas, l’insuffisance rénale est
réapparue.
Le vémurafénib est un antinéoplasique, inhibiteur de protéine kinase, indiqué dans le traitement des patients atteints
d’un mélanome non résécable ou métastatique porteur d’une mutation BRAF V600. Le mécanisme de la toxicité
rénale du vémurafénib est pour l’instant inconnu. Des auteurs suggèrent une origine immunoallergique1, en
particulier lorsque l’atteinte rénale est associée à une atteinte cutanée ce qui n’est pas le cas dans nos 3 observations.
Cette hypothèse est cependant peu compatible avec le fait que la toxicité rénale semble être dose-dépendante, la
posologie à demi dose apparaissant mieux tolérée sur le plan rénal que la pleine dose. Une autre cause possible
d’insuffisance rénale serait la survenue d’une nécrose tubulaire aiguë (NTA)1, sans néanmoins d’argument clinique
soutenant cette hypothèse, notamment en terme de délai de régression de l’insuffisance rénale, rapide avec le
vémurafénib, et en général de 2 à 3 semaines en cas de NTA. Enfin, une dernière hypothèse concerne la voie de
signalisation du VEGF2, le vémurafénib pouvait entrainer une interférence avec cette voie de signalisation. D’autres
inhibiteurs de tyrosine kinase sont connus pour leur néphrotoxicité liée à leur action sur le VEGF. Cette toxicité serait
expliquée par l’inhibition de l’expression du VEGF à l’intérieur même des glomérules1.
Une étude observationnelle est actuellement en cours en France afin de déterminer l’incidence de survenue des
atteintes rénales sous vémurafénib et d’en comprendre les mécanismes.
1BJD 2013;169:934-938
2Ann. Dermato. Vénéreol 2012;139:97
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Vos Observations : Une patiente de 76 ans est hospitalisée pour une déshydratation (diarrhées, vomissements),
compliquée d’insuffisance rénale aiguë en juin 2013. Son traitement chronique comporte Cordarone® (amiodarone),
Préviscan® (fluindione), Lévothyrox® (lévothyroxine sodique) et Olmetec® (olmésartan). Peu après sa sortie
d’hospitalisation, elle présente à nouveau des diarrhées avec vomissements et une hyperthermie qui la conduisent
aux urgences où le scanner abdominal ne retrouve rien d’anormal. Elle est néanmoins adressée dans le service de
gastro-entérologie pour un bilan étiologique de diarrhées chroniques. La patiente décrit des douleurs abdominales et
l’examen clinique retrouve une perte de 4 kg par rapport à son poids habituel. Au niveau biologique, est retrouvée
une acidose métabolique à trou anionique conservé sur perte de bicarbonates liée aux diarrhées. La fibroscopie et la
coloscopie se révèlent normales, mais au niveau des biopsies duodénales est retrouvée une atrophie villositaire subtotale,
alors que les biopsies coliques mettent en évidence une colite sub-aiguë aspécifique sans colite ischémique. Le
test à l’Entocort® (budésonide) est négatif. Son traitement antihypertenseur est modifié et l’Olmetec® est remplacé
par Aprovel®. Les diarrhées s’améliorent alors en 48h avec la reprise d’un transit normal. Un mois après l’arrêt de
l’Olmetec®, l’évolution symptomatique est favorable, avec disparition de la diarrhée, absence de douleurs
abdominales et poids stabilisé.
L’olmésartan est un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II, commercialisé dans les spécialités Altéis®,
Altéisduo®, Axeler®, Olmetec®, Coolmetec® et Sevikar®. L’ANSM a relayé en juillet 2013 une information de la
FDA signalant des cas graves d’entéropathies associés à un traitement par olmésartan ayant conduit, en conséquence,
à la modification des résumés des caractéristiques des produits contenant de l’olmésartan1. Ces entéropathies graves
se traduisent par une diarrhée chronique, sévère, avec perte de poids et d’autres symptômes peuvent être associés
comme des vomissements, une déshydratation avec insuffisance rénale fonctionnelle, une hypokaliémie voire une
acidose métabolique. L’entéropathie peut survenir plusieurs mois, voire plusieurs années, après le début du
traitement. Dans certains cas, les biopsies duodénales montrent une atrophie villositaire simulant une maladie
caeliaque.
Dans la Base Nationale de Pharmacovigilance, on retrouve une quarantaine de déclarations de troubles gastrointestinaux
avec diarrhées sous olmésartan, dont une trentaine de cas où l’olmésartan est la seule molécule suspecte.
Les délais d’apparition varient de 1 mois à 3 ans après l’introduction de l’olmésartan. Ces troubles gastro-intestinaux
s’accompagnent souvent d’un amaigrissement et d’une atrophie de la muqueuse intestinale. La réintroduction de
l’olmésartan s’accompagne toujours de la réapparition des symptômes. Le mécanisme responsable de ces troubles
n’est pas connu : néanmoins, une des hypothèses serait une réponse immunitaire à médiation cellulaire retardée ou
une inhibition par l’olmésartan de la production du TGF-bêta (Transforming Growth Factor), impliqué dans la
régulation de l’immunité et de l’inflammation au niveau intestinal 2.
A notre connaissance de tels troubles n’ont pour le moment pas été décrits avec d’autres antagonistes des récepteurs
de l’angiotensine II.
1 ANSM Cas graves d’entéropathies associés avec l’olmésartan médoxomil – Point d’information (12/07/2013) ;
2 Dreifuss SE et al. Case Rep Gastrointest Med. 2013 ;618071
Compte Rendu de la 3ème Journée de Pharmacovigilance :
Vous étiez nombreux à assister à notre 3ème Journée Régionale de Pharmacovigilance et d’Addictovigilance consacrée
cette année aux effets indésirables en cardiologie, et l’amphithéâtre prévu à cet effet était comble… Après avoir
introduit cette journée, Jacques Caron, directeur du Centre Régional Nord – Pas de Calais, a laissé la parole aux
différents intervenants pharmacologues, cardiologues, gériatres et gynécologues qui ont donc abordé, en fonction de
leur spécialité, des sujets de cardiologie variés rencontrés dans leur pratique quotidienne.
L’actualité en pharmacovigilance est en général source de polémique et fait souvent la une des médias. Ainsi, la fin
d’année 2012 a été marquée par la polémique sur les risques cardiovasculaires en rapport avec l’utilisation des
contraceptifs oraux combinés de 3ème et 4ème génération, bien sûr de DIANE 35®, médicament indiqué dans l’acné et
prescrit hors AMM. Ces risques (à la fois thromboembolique veineux [TEV] lié à l’association de l’éthinyl-oestradiol
à un progestatif, et artériel lié à l’éthynil-oestradiol) étaient pourtant décrits et présents dans l’information de ces
médicaments depuis 1995 ! Comme conséquence de cette actualité, a été observée une modification des pratiques
médicales et notamment un report des prescriptions vers les spécialités associant éthinyl-oestradiol et progestatif de
deuxième génération (lévonorgestrel et norgestrel). De plus, la décision, à l’échelle européenne, d’harmoniser
l’information sur le risque TEV de ces produits, a été acté en novembre 2013.
D’autres molécules voient actuellement leur rapport bénéfice/risque réévalué et les décisions prises mènent parfois à
des incohérences. Ainsi, le salbutamol dans l’indication « menace d’accouchement prématuré » fait l’objet d’un
retrait de cette indication pour les formes orales, devant un bénéfice/risque jugé défavorable (risque d’oedème
pulmonaire, d’arythmie cardiaque, et d’infarctus du myocarde..). La disparition de la forme orale de cette spécialité
va conduire à la prescription hors AMM, déjà bien répandue, des antagonistes du calcium, dont le bénéfice est certes
démontré dans cette indication, mais qui ne sont pas dénués non plus de risque cardiovasculaire…
Brev Pharmacovig 2013 ; octobre – décembre 2013, 42 5
Trois interventions étaient consacrées aux NACO, sur les versants de leurs mécanismes et de leurs bénéfices et
risques. L’utilisation des NACO peut, dans un premier temps, sembler plus aisée que celles des AVK, en raison d’un
mécanisme d’action direct sur les facteurs IIa et Xa, d’un délai d’action court, d’un index thérapeutique large ( ?) et
d’une efficacité comparable à celles des AVK, démontrée par des essais méthodologiquement bien menés. En fait, leur
prescription reste délicate pour les raisons suivantes :
– schémas de posologie et rythmes d’administration différents d’une molécule à l’autre et selon les indications ;
– absence de suivi biologique et de dosage plasmatique de routine, permettant d’évaluer l’effet anticoagulant
chez le patient ;
– absence d’antidote en cas d’hémorragie ;
– existence de facteurs de variabilité inter et intra individuels liés à la physiologie du patient (faible poids
corporel, âge, fonction rénale altérée, …).
Les observations d’évènements indésirables rapportées à ce jour auprès de notre CRPV ne mettent pas en évidence de
signal particulier pour ces molécules, mais la prescription de ces nouvelles molécules se doit d’être pesée, en
particulier si une substitution aux AVK est envisagée alors que le patient est bien équilibré avec ces derniers, et doit
tenir compte des nombreux paramètres cliniques qui imposent des posologies spécifiques.
De nombreuses molécules peuvent être à l’origine de complications cardiaques à type d’augmentation du QT ou
de torsades de pointes (antiarythmiques Ia et III (quinidiniques, disopyramide, amiodarone), bépridil, sotalol, certains
antibiotiques (certains macrolides, certaines fluoroquinolones) certains anti-H1 à l’origine d’un allongement acquis de
l’espace QT, méthadone… D’autres molécules (anthracyclines, trastuzumab, sunitimib) peuvent être responsables de
cardiomyopathies.
Les cardiologues ayant traité ces sujets ont souligné qu’il était primordial :
– d’identifier (et de corriger quand cela s’avère possible), les facteurs de risque de survenue d’un effet indésirable
cardiaque (hypokaliémie, hypomagnésemie, bradycardie, cardiopathie sous-jacente, hépatopathies graves, âge,
posologie etc…) ;
– de réaliser une évaluation cardiovasculaire initiale rigoureuse avant de débuter un traitement connu pour sa
cardiotoxicité et d’assurer un suivi cardiologique régulier en cours de traitement ;
– d’avoir à l’esprit que toute symptomatologie ou pathologie cardiaque doit faire évoquer l’éventuelle responsabilité
d’un médicament.
La prescription des médicaments à visée cardiovasculaire doit toujours faire l’objet d’une évaluation très précise du
rapport bénéfice/risque en tenant compte des particularités de certaines populations. Ainsi, les sujets âgés, ont très
souvent des antécédents ou des facteurs de risque cardiovasculaire dont il faudra tenir compte lors de la prescription, et
présentent par ailleurs une sensibilité particulière aux médicaments cardiovasculaires qui dépend de leur profil
gériatrique (le profil gériatrique est évalué en fonction de nombreux facteurs comme l’âge physiologique (différent de
l’âge réel), de l’état du patient (classé en robuste, fragile ou dépendant), de l’état des fonctions cognitives, des facteurs
de comorbidités, etc…). Cette sensibilité particulière peut mener à des phénomènes de décompensation avec réactions
en cascade pouvant être fatales et ce d’autant plus que les patients âgés sont polymédiqués et à risque majeur
d’interactions médicamenteuses. La prise en charge de ces patients doit donc être à la fois multidisciplinaire et adaptée
au cas par cas.
En ce qui concerne la femme enceinte, la prescription de médicaments en général nécessite une bonne connaissance
du calendrier du développement embryonnaire, de la pharmacologie de chaque produit et des modifications
physiologiques liées à la grossesse. Le choix des traitements doit se faire en faveur des molécules les mieux connues et
en privilégiant la monothérapie. Il ne faut jamais sous-traiter une femme enceinte, mais il convient, lorsque cela
s’avère possible, d’effectuer les modifications thérapeutiques avant la grossesse. Même s’il existe en réalité peu de
médicaments tératogènes et que l’on peut, dans la plupart des cas, rassurer les femmes exposées, plusieurs
médicaments à visée cardiovasculaire sont cependant tératogènes et /ou foetotoxiques. C’est le cas des
antivitaminiques K contre indiqués au 1er trimestre en raison de leur effet malformatif, et des inhibiteurs de l’enzyme
de conversion ou des antagonistes de l’angiotensine II, contre indiqués dès la fin du 1er trimestre en raison d’un effet
foetotoxique de conséquence souvent fatal lié au mode d’action de ces molécules.
Dans ce compte rendu, nous n’avons volontairement pas abordé les sujets d’addictovigilance ayant été traités lors de
cette journée. Nos collègues du CEIP (Centre d’Evaluation et d’Information sur la Pharmacodépendance) le feront
dans leur prochain AVIS (Addicto Vigilance Infos). Si vous souhaitez également recevoir régulièrement et
gratuitement AVIS, vous pouvez adresser un courriel à pharmacodependance@chru-lille.fr.
Nous vous donnons rendez-vous pour la prochaine journée de pharmacovigilance en octobre 2014, dans un
amphithéâtre nous l’espérons, un peu plus grand !