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Brèves en Pharmacovigilance
Numéro 9, nov-dec 2002

SOMMAIRE
Editorial

Aciclovir et insuffisance rénale
Génériques : suite
Littérature
Olanzapine et diabète
Acide valproïque et démence
A suivre…
Télithromycine et troubles visuels
Epoetin et voie IV
Questions
Venlafaxine dans les bouffées vasomotrices ménopausiques
IMPLANON® et grossesse
Observations
Allopurinol et syndrome de Stevens Johnson
Entérocolite nécrosante aux neuroleptiques

Ont participé à la réalisation de ce numéro :
N. Ait Said
J. Caron
E. Couderc
J. Dekemp
L. Ferez
S. Gautier
P. Huret
J. Pamart

Editorial
Aciclovir (ZOVIRAX®) et insuffisance rénale : par voie orale aussi.
Nous avons reçu en quelques semaines deux appels de médecins étonnés d’observerune insuffisance rénale aiguë chez des patients traités pour un herpès par aciclovir peros. Cette toxicité rénale de l’aciclovir, bien décrite chez l’Homme, se manifeste le plusfréquemment lors d’une utilisation du ZOVIRAX® par voie intraveineuse en raisond’une injection trop rapide (en moins d’une heure), et chez des sujets à risque : sujetsâgés et/ou deshydratés et/ou porteurs d’une insuffisance rénale pré-existante.L’atteinte rénale est fréquemment en rapport avec une cristallisation tubulaire,souvent favorisée par la déshydratation : en effet le seuil de solubilité de l’aciclovir auniveau urinaire (expérimentalement : 2.5 mg/ml à 37° C dans l’eau), peut être alorsdépassé, provoquant ainsi sa précipitation au niveau des tubules rénaux. L’atteinterénale est habituellement réversible et justifie en premier lieu de diminuer laposologie ou, si celaest possible, d’arrêter le traitement et surtout d’hydrater le patient.D’autres mécanismes peuvent cependant être en jeu, et des atteintes tubulaires directesen l’absence de tout cristal, ou des néphropathies interstitielles histologiquementévocatrices d’un mécanisme immunoallergique sont également décrites.
Comme le souligne les deux observations qui nous ont été récemment rapportées, ilfaut cependant garder en mémoire que la toxicité rénale du ZOVIRAX® peut surveniraprès une administration orale et sans facteurs de risques associés, comme entémoignent quelques publications de la littérature (1-3). Cette donnée est parfaitementconfirmée par une enquête réalisée en 2001 par le CRPV de Créteil à partir desobservations de la base de données de l’Afssaps. Sur 126 dossiers d’insuffisancerénale aiguë en présence d’aciclovir, on pouvait noter : i) un âge moyen des sujets de50 ans (ce qui ne cible pas forcément sur le sujet âgé), ii) et seulement 11 % desurdosage, 1,6 % de perfusion trop rapide et 6,3 %de déshydratation associée, iii)enfin, 16 dossiers, soit 12,7 %, concernaient la voie orale.
(1) Ann Intern Med 1988;108:312 (2) Ann Pharmacother 1994;28:460-3
(3) South Med J 1999;92:1093-4

Génériques : comment s’y retrouver ? suite…
Nous tenons à vous signaler, en complément du répertoire officiel des génériques édité parl’AFSSAPS, l’initiative de la CNAM, qui édite le guide des équivalents thérapeutiques(http://www.ameli.fr/23/get.html?page=medi&id=A). Ce répertoire reprend, pour chaque principe actif, toutes les spécialités d’une voie d’administration donnée (génériques compris)délivrant la même quantité de principe actif par unité de prise et permet donc également derésoudre rapidement et simplement les questions posées par le choix d’un générique.
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Brev Pharmacovig 2002; Novembre-décembre, 9 2
Brèves de la Littérature
Olanzapine (ZYPREXA®) et diabète.
Une étude cas-témoin, réalisée au sein d’une cohorte de 19637 patients schizophrènes issus de la base de données des médecins généralistes anglais (GPRD), a montré une augmentation significative du risque de diabète en présence d’olanzapine (1). En effet, parmi les 19637 patients traités pour une schizophrénie entre juin 1987 et septembre 2000 par un antipsychotique conventionnel ou par un antipsychotique atypique (olanzapine ou rispéridone), 451 ont développé un diabète. Ces patients ont été comparés à 2696 patients témoins, appariés sur l’âge et le sexe. Il en ressort que l’olanzapine est significativement associé à une augmentation du risque de diabète par rapport aux patients schizophrènes non traités [OR 5.8 (IC95% 2,0-16.7)], mais également par rapport aux patients schizophrènes traités par antipsychotiques conventionnels [OR 4.2 (IC95% 1.5-12.2)]. Les résultats de cette étude ne sont par contre pas significatifs pour la rispéridone [OR de 2.2 (IC95% 0.9-5.2) pour l’augmentation du risque de diabète par rapport aux patients schizophrènes non traités, et OR de 1.6 (IC95% 0.7-3.8) par rapport aux patients schizophrènes traités par antipsychotiques conventionnels]. En conséquence, les effets indésirables métaboliques de l’olanzapine méritent d’être pris en compte et justifient un suivi régulier des patients psychotiques à risque traités par ce produit.
(1) BMJ 2002;325:243-5
Acide Valproïque et démence :
Les effets indésirables de l’acide valproïque au niveau central sont relativement rares par rapport à ceux des autres antiépileptiques. Bien qu’exceptionnels, deux d’entre-eux méritent d’être gardés en mémoire : survenue d’un syndrome parkinsonien d’une part, d’un syndrome démentiel d’autre part tout en sachant que ces deux syndromes peuvent être associés. Ces manifestations apparaissent aux doses thérapeutiques usuelles de l’acide valproïque, avec des délais d’apparition variant de quelques mois à quelques années, et plus généralement chez des enfants ou des adultes jeunes. La réversibilité des atteintes est une des caractéristiques, soit après diminution de l’acide valproïque, soit après arrêt du traitement. La régression peut cependant être longue, étalée sur plusieurs semaines ou mois. Elle est le plus souvent complète. En cas de démence, une pseudo-atrophie corticale ou cérébelleuse peut être observée radiologiquement. Le mécanisme de ces effets indésirables n’est pas élucidé. Plusieurs hypothèses ont été proposées : hyperstimulation gabaergique, inhibition dopaminergique, dysfonctionnement mitochondrial, mais également accumulation de l’acide valproïque et de son métabolite au niveau cérébral, qui pourraient expliquer la survenue de troubles cognitifs et extrapyramidaux. Il convient donc, devant des manifestations extrapyramidales ou des troubles cognitifs, de savoir évoquer une étiologie médicamenteuse chez tout patient traité par acide valproïque, même de longue date.
Thérapie 2000;55:629-34;
J Neurol 1998;245:794-6;
Epilepsia 1998;39:27-32;
Neurology 1996;47:626-35
• Depuis le 3 décembre 2002, l’EPREX® par voie sous cutanée est contre-indiquée chez l’insuffisant rénal chronique en raison de la survenue rare mais sévère d’érythroblastopénies. Cette restriction ne concerne pas les autres indications du médicament.
http://afssaps.sante.fr/htm/10/filcoprs/indco.htm
A suivre…
• Plusieurs cas de troubles visuelsavec la télithromycine (KETEK®), kétolide apparenté aux macrolides, ont été rapportés. Cet effet, lié à un défaut d’accommodation apparaissant rapidement dès la première prise, serait dose-dépendant et a été retrouvé au niveau des essais cliniques chez 0.6% des patients traités. Une information systématique des patients, notamment des conducteurs de véhicule, apparaît donc nécessaire.
Vous avez rencontré des effets indésirables semblables, notifiez-les au Centre de Pharmacovigilance.
Brev Pharmacovig 2002; Novembre-décembre, 9 3
Vos questions au CRPV
La venlafaxine (EFFEXOR®) peut elle être utilisée dans le traitement des bouffées vasomotricesménopausiques ?
Les bouffées vasomotrices ménopausiques affectent pratiquement les trois quarts de la populationféminine ménopausée. Leurmécanisme d’apparition n’est pas encore élucidé, mais il semblerait que lesoestrogènes y jouent un rôle important. Plusieurs facteurs de risques favoriseraient ces bouffées vasomotrices : unindice de masse corporelle élevé, une terrain anxieux, un taux de FSH élevé, la prise d’alcool et un nombred’enfants supérieur à un. Plusieurs solutions existent pour les traiter :
– d’une part le traitement hormonal substitutifayant clairement démontré son efficacité symptomatique.Les phyto-oestrogènes sont par contre d’efficacité modérée et/ou discutée.
– d’autre part des traitements non hormonauxont été expérimentés. La clonidine (CATAPRESSAN®)semble être efficace, mais avec des effets indésirables parfois gênants (somnolence, vertiges, malaises…). Demême, la vitamine E permettrait une diminution des bouffées vasomotrices pour des doses de 800UI/jour. Desantidépresseurs ont par ailleurs fait l’objet d’études dans ce domaine, en particulier la fluoxétine (PROZAC®) et lavenlafaxine (EFFEXOR®). La venlafaxine serait la plus efficace avec une diminution de 37%, 61% et 61% desbouffées ménopausiques pour des doses quotidiennes de 37,5mg, 75mg et 150mg respectivement, contre 27%avec un placebo (étude auprès de 191 patientes (1). Ce bénéfice est obtenu au bout de la première semaine detraitement. Le protocole recommandé à l’issu de cette étude est l’initiation du traitement par venlafaxine à 37,5mgpar jour dans un premier temps, puis une augmentation progressive jusqu’à 75mg si nécessaire, sans dépasser cettedose, au delà de laquelle les effets indésirables sont supérieurs au bénéfice attendu (sécheresse buccale, insomnie,diminution de l’appétit). Le mécanisme pharmacologique exact n’est pas connu, mais on sait toutefois qu’il estdifférent de celui impliqué dans la correction de la dépression. La venlafaxine peut donc être une alternativeintéressante dans le traitement des bouffées de chaleur vasomotrices ménopausiques devant l’échec des autrestraitements conventionnels. Néanmoins, son efficacité n’a été évaluée que par quelques études et cette indicationreste hors AMM, engageant la responsabilité du prescripteur.
(1) Lancet 2000;356:2059-63
Comment expliquer la survenue d’une grossesse chez une femme qui suit une contraception par IMPLANON® ?
IMPLANON® est un implant contraceptif d’action prolongée, se présentant sous forme d’un bâtonnet nonbiodégradable libérant progressivement un progestatif de troisième génération, l’étonorgestrel principalmétabolite du désogestrel. L’implant est inséré sous la peau pour une durée de trois ans, mais peut être retiré à toutmoment. A la suite de signalements exceptionnels de cas de grossesse lors de cette modalité contraceptive, il estapparu que le bâtonnet n’avait pas été correctement inséré, comme le laissait présumer l’absence de bâtonnet enradiologie et des concentrations plasmatiques nulles d’étonorgestrel chez ces femmes. Quelques précautionsconcernant l’insertion et le retrait de l’implant nous semblent donc importantes à souligner :
– avant l’insertion, il faut vérifier visuellement la présence de l’implant dans l’applicateur, au niveau de lacanule. De même sera vérifiée son absence après l’insertion
– immédiatement après l’insertion, la présence de l’implant doit être vérifiée par la palpation. Si l’implantne peut être palpé ou au moindre doute sur sa présence au niveau sous-cutané, une échographie (ou IRM)doit être réalisée. Si la technique d’imagerie ne retrouve pas l’implant, un dosage d’étonorgestrel seraréalisé. En l’attente de la confirmation de la présence de l’implant, une méthode contraceptive mécaniquedoit être utilisée.
– pour le retrait, un implant non palpable devra toujours être localisé et retiré sous échographie.
Devant la survenue d’une grossesse en présence supposée d’IMPLANON®, il faut en priorité évoquerl’absence de l’implant. En l’absence de perception de l’implant à la palpation, les examens à réaliser sont uneéchographie haute fréquence de la région d’implantation (le bras), étendue aux zones proches si l’implant n’est pasvisualisé. Une IRM de la zone d’implantation supposée pourra être réalisé en cas d’échec de la recherche paréchographie. Enfin, un dosage d’étonorgestrel, réalisé par le laboratoire commercialisant l’IMPLANON®, sera faitsi l’implant n’est pas retrouvé par ces différentes techniques, afin de confirmer ou infirmer sa présence dansl’organisme.
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Observations
Stevens Johnson et allopurinol
En raison d’une goutte sévère chez un sujet de 75 ans traité par colchicine, un traitement par allopurinol (ZYLORIC®) est prescrit. Quelques heures après l’ingestion du premier comprimé d’allopurinol, le patient est hospitalisé pour un érythème rapidement extensif et évoluant vers un syndrome bulleux sur environ 30% de la surface cutanée, suivi du décès par choc septique une semaine plus tard. Les antécédents de ce patient comportaient la notion d’une éruption cutanée dorsale après la prise d’allopurinol il y a 20 ans, avec test de réintroduction de l’allopurinol positif s’étant traduit par une éruption bulleuse.
Nos commentaires :
Les syndromes bulleux avec allopurinol sont bien décrits dans la littérature et contre-indiquent absolument une utilisation ultérieure. Cette observation nous rappelle que même dans le cas d’une réaction “ allergique ” médicamenteuse très ancienne, celle-ci ne doit être en aucun cas négligée et qu’en l’absence d’alternative thérapeutique, des tests cutanés, lorsqu’ils sont envisageables, doivent être pratiqués avant de prendre la décision d’une réintroduction.
Entérocolite nécrosante aux neuroleptiques :
Une jeune femme de 21 ans avec antécédents psychiatriques de bouffées délirantes aiguës deux ans auparavant est hospitalisée pour un épisode psychotique aigu. Après un traitement en monothérapie par amisulpiride (SOLIAN®) 800 mg/j, une adjonction d’un anticholinergique, la tropatépine (LEPTICUR®) et d’un autre neuroleptique, la cyamémazine (TERCIAN®) à raison de 200 mg/j est nécessaire en raison d’une dystonie cervicale et d’une aggravation de l’agitation. L’amisulpiride est augmenté dans le même temps à 1200 mg/j. Une semaine plus tard, la patiente se plaint d’une constipation, suivie deux jours plus tard de douleurs abdominales, puis quelques heures après de vomissements, alors qu’une fièvre importante et un abdomen douloureux apparaissent. L’examen montre une distension colique confirmée à l’échographie. L’état de la patiente s’aggrave avec apparition d’un état de choc, d’une cytolyse hépatique et d’une coagulation intravasculaire disséminée. La laparatomie réalisée montre une nécrose complète du colon et de l’iléon. La patiente décède quelques heures plus tard.
Nos commentaires :
La clinique doit faire évoquer dans ce dossier une possible entérocolite nécrosante qui se trouvera confirmée par l’autopsie. Cette entérocolite nécrosante sous neuroleptiques, compliquée d’un choc septique et d’une CIVD dans le cas présent, est exceptionnelle mais peut être fatale. Elle est expliquée par les effets anticholinergiques des médicaments (dans ce dossier le TERCIAN et le LEPTICUR®). Cet effet indésirable serait lié à un ralentissement du transit avec une augmentation de la pression intraluminale à l’origine d’une dilatation intestinale aiguë entraînant une compression de la vascularisation colique puis une nécrose.
Il est donc important, notamment en début de traitement, chez les patients recevant des neuroleptiques à action anticholinergique, notamment les phénothiazines, de ne pas négliger d’éventuels signes d’appel digestif.
(1) Am J Psychiatry 1979;136:970-972
(2) J Clin Gastroenterol 1992;14:64-67
(3) Rev Med Int 1999;20 :373-4
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