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Brèves en Pharmacovigilance
Numéro 10, jan-fev 2003
SOMMAIRE
Editorial

Syndrome de Reye et aspirine
Littérature
Asthme, allergie à l’aspirine : quid des coxibs?
Statines et clopidogrel : suite
A suivre…
Ambroxol
Fluoxétine et croissance
Observations
Malathion et crise convulsive
Bêta-lactamines et pseudo-maladies sériques
Questions
Thrombocytose aux HPBM
Tests tuberculiniques et faux négatifs

Ont participé à la réalisation de ce numéro :
N. Ait Said
J. Caron
E. Couderc
J. Dekemp
L. Ferez
S. Gautier
P. Huret
J. Pamart

Editorial
A propos d’un communiqué de presse de l’Afssaps sur syndrome de Reye et aspirine
Le syndrome de Reye est une maladie exceptionnelle (0,08 cas sur 106enfants) et potentiellement fatale (25 à 50% des cas). Décrit la première fois en1963 comme une encéphalopathie aiguë associée à une atteinte hépatique sévère,survenant presque exclusivement chez les enfants de moins de 16 ans,principalement en période hivernale, la symptomatologie est biphasique :syndrome viral avec le plus souvent une atteinte des voies respiratoiressupérieures, puis dans un deuxième temps, après une courte période de rémission,vomissements abondants et incoercibles suivis de troubles variés de la conscience(somnolence, désorientation, agitation). Ce tableau peut évoluer vers un comaprofond et un arrêt respiratoire. L’étiologie reste inconnue et les facteursdéclenchants pourraient être : viral (par myxovirus influenza A ou B, adénovirus,réovirus ou le virus de la varicelle), mycosique, bactérien (plus rarement) ouinflammatoire.
Depuis les années 1980, la responsabilité de l’aspirine a été suggérée,bien qu’aucun lien de causalité, malgré les nombreuses études épidémiologiques,n’ait pu être formellement établi. Plusieurs pays ont alors pris la décision dedéconseiller ou de contre-indiquer l’utilisation de l’aspirine chez l’enfant oul’adolescent en cas d’infection virale.
En France, aucune consigne n’a été émise jusqu’en 1998 concernantl’utilisation de l’aspirine comme antipyrétique chez l’enfant.
En octobre 1998 est apparue une précaution d’emploi incitant à éviterl’administration d’aspirine chez l’enfant atteint de virose.
Une nouvelle décision de l’Afssaps est intervenue dernièrement stipulantque désormais l’aspirine ne doit être utilisée, chez l’enfant présentant des signesd’infection virale, que sur avis médical, lorsque les autres mesures antipyrétiquesont échoué.
Il est par ailleurs rappelé dans ce communiqué que si l’aspirine, leparacétamol et l’ibuprofène sont équivalent en terme d’efficacité antipyrétiquechez l’enfant, le paracétamol, en raison de sa bonne tolérance aux dosesthérapeutiques est à utiliser en première intention. Seule la persistance de lafièvre justifie d’introduire un deuxième antipyrétique.
Ces informations incitent donc à la monothérapie initiale par leparacétamol chez l’enfant fébrile etnous semblent importantes à souligner autantpour les médecins que pour les pharmaciens confrontés à ce problème auquotidien.
(http://www.agmed.sante.gouv.fr/htm/10/filcoprs/021003.htm)

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Brev Pharmacovig 2003; Janvier-Février,10 2
Brèves de la Littérature
Patients asthmatiques allergiques à l’aspirine et aux AINS : les coxibs ont-ils une place ?
L’administration d’aspirine ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) exacerbe la pathologie de 5 à 10 % des patients asthmatiques. Cette réaction, connue sous le nom d’asthme à l’aspirine, peut s’intégrer dans la classique triade de Fernand Widal, associant polypose nasale, asthme sévère et intolérance à l’aspirine. La physiopathologie de l’asthme à l’aspirine est expliquée par le mécanisme d’action de l’aspirine et des AINS qui exercent leur action pharmacologique en inhibant les cyclooxygénases (COX). Nous connaissons deux isoformes de cette enzyme : la COX 1, constitutive, et la COX 2, inductible au moment de l’inflammation et la favorisant. L’inhibition des COX est à l’origine des effets anti-inflammatoires recherchés, mais cette inhibition favorise la voie de la lipooxygénase, à l’origine d’une augmentation des leucotriènes, médiateurs d’une bronchoconstriction. De façon intéressante, et sans comprendre vraiment par quel mécanisme, certains auteurs ont établi que les coxibs, inhibiteurs plus spécifiques de la COX 2, sont bien tolérés par les patients asthmatiques et intolérants à l’aspirine et aux AINS (1, 2). Il faut cependant rappeler qu’actuellement, les antécédents d’asthme, de rhinite aiguë, d’urticaire, d’oedème de Quincke et d’autres réactions allergiques déclenchées par l’aspirine et/ou les AINS, tout comme bien sûr la triade de Fernand Widal, font l’objet d’une contre-indication à l’utilisation des coxibs.
(1) Clin Exp Allergy 2001;31:219-25
(2) Chest 2002;121:1812-7
Statines et clopidogrel : suite
Dans les brèves numéro 7, nous évoquions une possible interaction d’origine métabolique entre les statines fortement métabolisées par le CYP3A4, un isoenzyme du cytochrome P-450, et le clopidogrel, promédicament transformé en métabolite actif au niveau du foie par le CYP3A4. Une publication récente pourrait confirmer ces possibilités d’interaction avec l’atorvastatine, substrat du CYP 3A4 (1). En effet l’association de ces deux molécules est à l’origine d’une diminution de l’efficacité antiagrégante plaquettaire du clopidogrel. Par contre cet effet n’est pas retrouvé avec la pravastatine, vraisemblablement en raison de son absence de métabolisation. D’autre part, l’administration concomitante au clopidogrel d’un inhibiteur enzymatique du CYP3A4, comme l’érythomycine (ou la troléandomycine), diminue également l’effet antiagrégant du clopidogrel ; à l’inverse un inducteur enzymatique comme la rifampicine majore cet effet antiagrégant. La prudence s’impose donc quand on associe un inducteur enzymatique ou un inhibiteur du CYP 3A4 avec le clopidogrel.
(1) Circulation 2003;107:32-37
A suivre…
•Au cours d’un essai comparant la fluoxétine(PROZAC®) au placebo chez l’enfant de 8 à 17 anstraité pour une dépression majeure ou pour destroubles obsessionnels compulsifs (TOCs), unediminution de la croissance a été observée dans legroupe fluoxétine. Après 19 semaines de traitement,les enfants avaient en moyenne 1,1 cm et 1 kg enmoins (1). La littérature rapporte 4 cas deralentissement de croissance chez 4 enfants âgés de12 à 14 ans traités par fluoxétine ou fluvoxaminependant 6 mois à 5 ans (2). La signification cliniquede ces constatations n’est pas connue et une étudede phase 4 a été mise en place pour en évaluer lapertinence. La fluoxétine vient d’obtenir l’indicationde traitement de la dépression majeure ou des TOCschez l’enfant aux Etats Unis.
(1)http://www.fda.gov/bbs/topics/ANSWERS/2003/ANS01187.html
(2) Arch Pediatr Adolesc Med 2002;156:696-701.
•Suite et fin pour la benzbromarone (DESURIC®):Labenzbromarome est un uricoeliminateur agissantprincipalement en inhibant la réabsorption del’acide urique. En 1996, une information auxprescripteurs avait été diffusée concernant le risquede survenue d’hépatite cytolytique grave, parfoisfatale, intervenant dans les premiers mois dutraitement. En 2003, après réévaluation duproblème, le rapport bénéfice/risque de labenzbromarone a été jugé défavorable entraînantl’arrêt de commercialisation de DESURIC®.
http://afssaps.sante.fr/htm/10/10000.htm
Vous avez rencontré des effets indésirables semblables, notifiez-les au Centre de Pharmacovigilance.
Brev Pharmacovig 2003; Janvier-Février,10 3
Observations
Prioderm® et crise convulsive
Un adolescent présente, à la suite de la pulvérisationpendant environ 30 secondes sur le cuir chevelu demalathion (PRIODERM®) en aérosol, un malaiseavec gêne respiratoire sans bronchospasme. Aussitôtil effectue un rinçage du cuir chevelu. La sensationde malaise persiste, associée à des céphalées, unmyosis, un larmoiement, puis à des fasciculationssans perte de connaissance. Cet état évolue ensuitevers une perte de connaissance avec crise convulsivegénéralisée qui récidivera dans l’ambulance duSMUR amenant à un traitement par diazépam, puisclonazépam. Cet adolescent avait comme antécédentla notion de convulsions fébriles dans la petiteenfance.
Nos commentaires :
Le malathion est un dérivé organophosphoré utilisédans le traitement des pédiculoses. Sa principaleaction est l’inhibition des cholinestérases, enzymesimpliqués dans la dégradation de l’acétylcholine. Lemalathion est très liposoluble, et par conséquent,même dans le cas d’un usage externe, des effetsindésirables muscariniques et nicotiniques paraccumulation d’acétylcholine, peuvent être observéschez l’homme si le produit a été appliqué sur unepeau lésée ou en cas d’inhalation lors de lapulvérisation. Les premiers symptômes apparaissenten quelques minutes en cas d’inhalation et enquelques heures en cas d’ingestion et sontcaractérisés par des effets muscariniques (myosis,larmoiements, bronchospasme). S’ajoutent à cela deseffets nicotiniques sous la forme de crampes, demouvements anormaux involontaires, notamment àtype de fasciculations. Des effets neurologiquescentraux sont également présents pouvant évoluervers un état de mal convulsif. Il faut en premier lieulaver la peau traitée à l’eau savonneuse et rincerabondamment, puis traiter le patient par del’atropine, antagoniste de l’acétylcholine au niveaudes récepteurs muscariniques, qui va agir sur leseffets muscariniques et centraux. La disparitiontotale des symptômes est observée en quelques jours.Dans cette observation, l’adolescent a présenté tousles symptômes d’une intoxication au malathion, sansdoute en raison d’une inhalation lors de lapulvérisation. Il est en effet impératif lors de lapulvérisation de PRIODERM® aérosol de seprotéger le nez, les yeux et la bouche avec uneserviette.
relais par amoxicilline-acide clavulanique(AUGMENTIN). Six jours après le début dutraitement par AUGMENTIN®, une éruptioncutanée oedémateuse et urticarienne, est observéesur le corpset le visage avec quelques lésionspurpuriques, motivant l’hospitalisation. Unepolyadénopathie cervicale est associée ainsi qu’unefièvre à 38°C. La NFS montre unehyperleucocytose à 17000/mm3. L’arrêt del’AUGMENTIN® le jour même permet uneaméliorationrapide des symptômes en 24 heures,sans aucun traitement, avec disparition totale del’éruption en trois jours. L’enfant avait déjà reçuantérieurement de l’amoxicilline. Le diagnostic depseudo-maladie sérique, plus vraisemblablementliée à la prise d’amoxicilline, est retenu.
Nos commentaires :
La pseudo-maladie sérique est un effet indésirablerare mais connu du céfaclor (ALFATIL®). Elle esten fait décrite avec de nombreuses bêta-lactamines,en particulier avec les céphalosporines. Lediagnostic repose sur la clinique avec, dans les 7 à10 jours en moyenne qui suivent le début dutraitement, l’apparition d’une fièvre, d’arthralgies,d’une polyadénopathie, d’une éruption cutanée etexceptionnellement d’une glomérulonéphrite avecprotéinurie. Les symptômes disparaissentrapidement à l’arrêt du médicament. L’âge dupatient (sujets souvent jeunes, âgés de moins de 5ans) et l’évolution favorable, qui contraste avec dessymptômes cliniques parfois sévères, sont lescaractéristiques de cette pseudo-maladie sériqueaux bêta-lactamines qui ne laisse jamais deséquelles rénales, à la différence des authetiquesmaladies sériques. Le mécanisme est inconnu, et laprésence de complexes immuns circulants n’est pasretrouvée dans les rares cas où cette recherche aété faite. La notion d’un traitement antérieur bientoléré chez plus d’un tiers des patients pourraitcependant suggérer une réaction de typeimmunoallergique.
Le problème de la réadministration du médicamentest délicat. Effectivement, il n’y a que très peu dedonnées dans la littérature où l’on retrouve uneréintroduction positive dans un cas et troisréintroductions négatives. D’après les enquêtes depharmacovigilance réalisées sur le sujet cesdernières années, et par mesure de prudence, ilconvient d’éviter de réutiliser une molécule de lamême famille (soit pénicillines, soitcéphalosporines).
Bêta-lactamines et pseudo-maladie sérique :
Un enfant de 9 mois est traité pour une otite pendantune semaine par cefpodoxime (ORELOX), avec un
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Vos questions au CRPV
Peut on observer une élévation du taux de plaquettes chez des patients traités par HBPM ?
Les thrombocytoses avec les héparines de bas poids moléculaire (HBPM), exceptionnellementdécrites dans la littérature médicale (1), ne retiennent que peu l’attention des prescripteurs.Une première enquête des centres régionaux de pharmacovigilance à partir de la base nationale depharmacovigilance avait établi en 1997 que sur 107 cas de thrombocytoses déclarés aux centres régionaux depharmacovigilance, 33% étaient apparus alors que le patient était traité par une héparine de bas poidsmoléculaire. Une nouvelle enquête a été réalisée en 2002 en retenant toutes les observations pour lesquellesle taux de plaquettes étaient supérieur à 500 x 103/mm3 (N = 150 à 400 x 103/mm3). Au total, 51 observationsde thrombocytoses survenues au cours d’un traitement par HBPM ont été analysées (2).
Pour ces observations, l’élévation du taux de plaquettes a été découverte de façon fortuite, chez despatients asymptomatiques, à l’occasion du bilan sanguin systématique de surveillance du taux de plaquettes.On connaissait le taux de plaquettes initial dans 24 dossiers, qui était normal. L’élévation a été progressive,supérieure à 500 x 103/mm3 au bout de 12 jours de traitement en moyenne (de 3 à 36 jours avec une médianeà 8 jours). Le taux moyen de plaquettes observé était de 758 x 103/mm3 (de 516 à 1173 x 103/mm3avec unemédiane à 723 x 103/mm3). L’évolution, inconnue dans 10 dossiers, s’est faite vers la normalisation deschiffres de plaquettes à l’arrêt du traitement chez 34 patients (avec pour certains d’entre eux relai par AVK)alors que pour 7 patients une normalisation du chiffre de plaquettes a eu lieu en l’absence d’arrêt de l’HBPM.Une observation avec réintroduction positive de l’HBPM est présente.
Les étiologies des thrombocytoses sont variées : primaires (syndromes myéloprolifératifs) ousecondaires (splénectomie, hémorragie aiguë, maladies chroniques inflammatoires, médicaments, …). Auxcauses médicamenteuses doivent donc probablement s’ajouter les HBPM, bien que le mécanisme de cet effetindésirable demeure inconnu.
(1) Ann Intern Med 1996;125:157
(2) Ann Pharmacother 2002;36:1351-4.
Quels sont les différentes causes possibles d’un test tuberculinique faussement négatif ?
Deux tests existent sur le marché français. Le MONOTEST®, dispositif constitué d’une bague pourvuede pointes en plastique permettant d’injecter la tuberculine dans le derme, est utilisé chez les enfants de moinsde 3 ans en raison de son caractère non douloureux. Cependant, en fonction de la force avec laquelle la bagueest pressée contre la peau, des quantités de tuberculine très différentes peuvent être injectées et si ce test estmal réalisé, le résultat peut être faussement négatif. Cela explique que le test tuberculinique de référence restel’intra-dermo réaction (TUBERCULINE MERIEUX®).
La sensibilité à la tuberculine peut être diminuée dans les conditions suivantes :
– dans les semaines suivant une infection virale ou bactérienne sévère,
– lors d’une infection HIV ou d’une tuberculose sévère
– lors d’une maladie cancéreuse, en particulier un lymphome
– lors d’une sarcoïdose
– lors d’un traitement par corticostéroïdes ou immunosuppresseurs
– après l’administration d’un vaccin à virus vivant atténué (rougeole, rubéole, oreillons et fièvre jaune)
– lors d’une insuffisance rénale chronique
– lors de malnutrition
Tous ces états peuvent en effet être responsables d’une dépression du système immunitaire dans laquellela réponse à la tuberculine peut donc être altérée.
Pour des raisons encore inconnues, une anergie à la tuberculine a également été décrite au cours d’untraitement par lumière ultraviolette, lors de la prise de contraceptifs oraux ou de zinc à fortes doses.
Si vous observez un effet indésirable grave et/ou inattendu ou
si vous désirez un renseignement sur un médicament :
N’hésitez pas à nous contacter :